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mardi 23 avril, 2024

Egypte : Baltagiya et Boulitique

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baltajiaEn Egypte et après l’effusion de sang programmée par un coup d’Etat qui a déjà montré sa faillite politique et morale, nous voyons la connivence de la Baltagiya et de la Boulitique s’étaler dans les places publiques et dans les petits écrans égyptiens et occidentaux. Il leur faut montrer les partisans de la solution islamique dépossédés de leurs droits en position de terroristes à abattre et leurs adversaires en un peuple uni contre le terrorisme. La pilule ne passe pas. Pour comprendre, il faut aller plus loin que la lecture immédiate des images et des discours.

La Baltagiya est étymologiquement (du turc) la corporation de voyous à la pelle (en masse). C’est un terme qui est entré dans les mœurs et le lexique de l’Egypte avant la chute de Moubarak. Lors des élections de 2005 et 2007 qui donnaient Moubarak usé, lui et son parti, les voyous sont entrés en scène pour intimider les électeurs et donner la victoire de plus de 90% au Président et à son parti au pouvoir. Nous avons assisté au remake en 2011 comme acte de subversion sociale et politique contre les manifestants. Nous assistons au relookage en 2013 avec plus de sang et davantage de violences.

La Boulitique, terme introduit par Malek Bennabi, est l’activité politicienne déraisonnée qui gère la vie publique par l’affectif et qui gère la cité comme si c’était une épicerie familiale que le dernier rejeton familial peut mettre en faillite sur un coup de tête ou qu’il peut faire prospérer sans comptabilité ni de comptes à rendre ne comptant que sur la générosité de ses clients, leur imbécilité et sa bonne étoile. L’un et l’autre se rencontre dans une sorte de malédiction qui enlève à l’humain son humanité et à la société sa raison de faire de la politique et d’édifier une voie de progrès.

La Boulitique a recours à des analyses et des analystes déraisonnés qui jouent sur la fibre occidentale de la lutte anti-terroriste contre l’Islam et les musulmans pour continuer à naviguer à vue, à jouer le rôle de comparse dans le plan occidental qui ne veut pas d’alternative civilisationnelle islamique à son projet de domination sur les ressources et les consciences mondiales.

La Baltagiya est présentée, depuis quelques jours, comme la réaction honorable du peuple qui apporte son soutien au régime militaire et qui exprime sa colère contre les « islamistes » qui portent atteinte à la sécurité nationale, à la sécurité publique, aux biens privés et publics, à la vie des paisibles citoyens. On prend tous les gens pour des tarés qui ne comprennent ni la similitude des images entre l’ère Moubarak et le projet de Sissi ni la collusion entre les forces de sécurité avec les organisations de voyous.

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Dans les pays arabes on voit ce phénomène de délinquance s’organiser autour du football qui devient un exutoire de haine, de défoulement psychotique d’une population névrosée, sans repères et en quête de violences gratuites pour donner sens à une vie d’insensés. Bien entendu ce phénomène coïncide avec l’instrumentalisation boulitique des sports de masse pourtant censés éduquer. Il coïncide avec la « démocratisation » des ghettos sociaux et de la perdition scolaire qui fournissent des contingents de désœuvrés, d’exclus, de rancuniers, de repris de justice récupérés, de gens sans foi ni loi. Ils sont à la fois produits par le système d’exclusion et déchets de récupération d’un système qui les recycle dans ses basses besognes, mais aussi produits et déchets d’une société en errance, en panne, en décomposition…

Avec la réintroduction du politique dans le champ social arabe, La Baltagiya est devenue une organisation politique de voyous qui agit pour le compte des appareils sécuritaires et des réseaux d’affaires affiliés aux services pour terroriser la population civile, intimider les partis politiques et les associations de la société civile, et pour casser les grèves et les manifestations. Les voyous et leur instrumentalisation par les services de police ou par d’autres officine n’est pas un fait nouveau dans l’histoire des sociétés humaines.

Souvent ils interviennent pour transformer une marche pacifique en un affrontement violent avec les forces de l’ordre faisant ainsi diversion sur les objectifs de la manifestation, de sa capacité à rassembler et à communiquer. C’est un procédé condamnable par sa malhonnêteté morale et intellectuelle et sa capacité de nuisance politique et sociale. Dans les pays arabes et tout particulièrement en Egypte ce phénomène prend des proportions effrayantes car ce mouvement des voyous n’est pas une manœuvre secondaire dans la diversion comme cela se passe dans les grandes démocraties, c’est une procédure systématique que le pouvoir en place utilise non seulement contre ses opposants lorsqu’ils deviennent crédibles et « menaçants », mais dirigé comme un instrument de terreur contre les populations livrées sans défense à des individus sans conscience pour empêcher que les populations ne trouvent la stabilité et les repères qui leur permettent de faire des projets autres que consommer, copuler et voir la télévision.

Ce que nous voyons en Égypte et que tente d’expliquer d’une manière maladroite et malhonnête la pensée hostile à la libération des peuples traduit en réalité un phénomène infernal qui ligue tous les démons de la terre contre une confrérie islamique qui a osé gouverner au nom de l’Islam faisant fi de sa capacité ou non à bien gouverner. Il est indécent de faire étalage des erreurs de la victime alors qu’elle est sous l’emprise de son bourreau qui ne lui donne aucune chance ! Encore une fois, il s’agit d’intimider, de terroriser, de diaboliser, de frapper non seulement les islamistes réfractaires à l’ordre mondial, mais tous les partisans de la liberté, de la dignité de l’homme, et de l’indépendance nationale dans le monde arabe.

Les stratégies de violence et de contre violence que l’administration américaine et le sionisme ont développé aux États-Unis dans la lutte contre la gauche et contre l’extrême droite, dans la lutte contre les résistances arabes et palestiniennes en particulier, dans la lutte contre les mouvements révolutionnaires sud-américains sont mis en œuvre en Égypte et ce depuis longtemps. Encore une fois il s’agit de ne pas montrer le lien de déstabilisation qui frappe le monde musulman et en particulier le monde arabe où la violence et les révoltes sont fomentées puis instrumentalisés pour détruire les musulmans et les arabes par les musulmans et les arabes eux-mêmes.

Il est pitoyable de voir comment on met en scène le peuple arabe défenseur violent du coup d’État et le même peuple arabe rebelle violent contre un État constitué. Il n’y a que les bédouins qui affichent publiquement leur sénilité politique et qui soutiennent en même temps les rebelles contre Assad et les Baltagis favorables à Sissi. L’administration sioniste et l’administration impériale ne tirent aucune balle et ne pointent aucune oreille et pourtant ils accomplissent leur œuvre de destruction. Les médias sionistes peuvent les accompagner et c’est de bonne guerre. Les Bédouins du Golfe peuvent payer la facture du coût de la répression et de ses conséquences économiques pour rendre service au sionisme et au satanisme qui veillent sur leurs trônes.

Les Algériens, les Syriens, les Irakiens, les Soudanais, les Libanais, les Afghans, les Tunisiens, les Égyptiens payent la trahison et l’immoralité des Bédouins qui contrôlent leurs gouvernements. En faisant croire qu’il s’agit de deux peuples qui s’affrontent, encore une fois, il s’agit de masquer l’échec politique et moral d’un coup d’État de militaires qui ont peur de perdre leurs privilèges et de pseudo démocrates affiliés à la rente politique de l’ancien régime qui ont perdu toute chance d’accéder au pouvoir. Il s’agit de faire apparaître cet échec en un triomphe légal et légitime de la force violente légale contre la force barbare.

La vengeance idéologique et la rancune politique ont un gout de sang que les Baltagiya appelés à la rescousse sont censés effacer dans une sorte de nationalisme de canailles et de voyous. Les Occidentaux sont censés ne pas faire de différence dans nos faciès et nos comportements supposés représenter le mal et la laideur. Le général Sissi et ses comparses civils boutiques et médiatiques sont parvenus à mobiliser des centaines de milliers de personnes à la place Tahrir finissant par croire à leur propre mensonge : Répondre à des millions de personnes opposés à la légitimité d’un président et de parlementaires issus d’un processus démocratique. Ils ne parviennent plus à mobiliser les crédules, malgré leur appel et leurs moyens médiatiques. La Baltagiya est le dernier secours.

Tant qu’il y avait deux acteurs politiques majeurs, le mensonge et la manipulation pouvaient se faire, mais maintenant qu’il n’y a qu’un acteur politique qui conteste le système répressif sécuritaire les stratagèmes ne tiennent plus. Sissi n’est plus le lion qui ne dévore pas ses petits, comme il a aimé se présenter, mais une araignée qui dévore ses géniteurs et qui va être dévoré à son tour par ses petits. Cette araignée est fragile dans sa demeure comme nous le dit le Coran lorsqu’il nous présente les comploteurs.

La Baltagiya fait illusion qu’il y a encore un peuple contre les Frères musulmans alors que dans la réalité il y a les forces de répression contre une partie du peuple qui rejette le coup d’État et le système fasciste qui est en train de se mettre en place. Le reste du peuple a peur. Sa peur est légitime. Il est livré aux tribunaux militaires et aux accusations de terroristes sans moyen de défense. La Baltagiya donne l’illusion d’être le peuple qui veut lyncher les terroristes tout en étant la menace et l’intimidation du peuple fragilisé et contraint au repli. Les images ne peuvent être cachées indéfiniment. Les peuples savent par instinct. La technologie qui permet de maquiller la vérité permet aussi de conserver intacte la mémoire de la réalité.

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La Baltagiya a déjà fait irruption sur la scène politique dans ce que les romantiques appellent la révolution arabe. Elle a montré ses capacités d’organisation et ses nuisances, mais elle a pu être contenue par l’effet révolutionnaire et par l’armée qui a lâché Moubarak pour ne pas tomber avec lui dans une épreuve de force qui avait tourné aux avantages de la population. Aujourd’hui la contre révolution s’est organisée et l’armée a tiré leçon de son échec et ensemble ils s’appuient sur la Baltagiya qui agit davantage comme une milice fasciste organisée comme un parti de terreur que comme une organisation de petits voyous. Le phénomène n’est pas nouveau.

Le président Morsi avait changé de ministre de l’intérieur et de Chef de la police car le siège de la présidence au Caire était devenue la cible de la Baltagiya qui a ensuite attaqué les sièges de la confrérie et assassiné dans des conditions horribles plusieurs membres de la confrérie en prélude comme elle avait intimidé les électeurs lors des élections égyptiennes sur la Constitution adoptée à 57% malgré le refus des opposants qui se sont montrés inféodés à l’ancien régime et qui ont appelé l’armée à mettre fin à l’expérience démocratique. En décembre 2012 il a été a demandé à l’autorité religieuse officielle de se prononcer sur la Baltagiya. Le secrétariat de l’instance égyptienne de la Fatwa a publié ce communiqué pour condamner ce phénomène. Voici la traduction de la synthèse de cette Fatwa que j’ai faite pour préparer la rédaction de cet article :

« La Baltagiya est un terme signifiant le recours délibéré à la force et à violence pour terroriser la population et la spolier de ses biens. A ce titre c’est un péché qui peut être considéré comme un péché capital. Ce péché s’il vient à se généraliser et à s’étendre il mettrait en péril la sécurité publique que la Charia islamique a pour dessein de préserver dans sa vocation à défendre à défendre la vie, l’intelligence et la propriété des hommes sur terre.

La Charia dans sa vocation à préserver l’intégrité de la personne humaine et de sa dignité anticipe en interdisant et en punissant sévèrement tout acte et tout comportement qui provoquent la frayeur et l’inquiétude de la population et cela même si cet acte et ce comportement n’avaient pour intention que la plaisanterie ou s’ils résultaient de port d’objet pouvant susciter de la peur ou de la violence chez autrui. Le Prophète (saws) a dit :

« Que nul d’entre vous ne pointe son arme sur son frère, car Satan pourrait pousser son bras à commettre le répréhensible et à devenir ainsi l’hôte de l’Enfer. » « Qui pointe son arme (ou son outils en fer) pour montrer son frère est maudit par les Anges tant qu’il pointe sur son frère même s’il était son frère de sang » « N’effrayer pas les musulmans car l’effroi d’un musulman est une énorme injustice. »

Lorsque le comportement effrayant vise ou devient l’intimidation pour porter atteinte à la vie, aux biens et à la dignité de l’homme cela entre sous les peines légales prévues par la Charia contre la sédition et le brigandage en bandes organisées : Le Coran a considéré les brigands qui portent atteinte à la vie d’autrui, à ses biens et à sa dignité comme Ses ennemis et les ennemis de Son Prophète qui ne méritent donc ni pitié ni excuse : {En vérité, il n’y aura qu’une seule rétribution pour ceux qui font la guerre à Dieu et à Son Envoyé et qui sèment la corruption sur la terre : ils seront mis à mort ou crucifiés, ou on leur coupera la main droite et le pied gauche – ou inversement -, ou ils seront expulsés du pays. Tel sera leur sort : une honte en ce monde et un châtiment terrible dans l’Au-delà, sauf pour ceux qui se seront repentis avant de tomber en votre pouvoir. Sachez que Dieu est Pardonneur, Miséricordieux.} Al Maidah 33

Le Prophète (saws) a considéré les brigands et les séditieux comme des criminels apostats : « Quiconque porte les armes contre nous n’est pas des nôtres »

Tous les juristes et toutes les écoles de l’Islam sont unanimes pour ne trouver ni circonstance atténuante ni réduction de peine pour le brigandage et la sédition qui mettent en péril la vie des gens et qui portent atteinte à leurs droits fondamentaux dont celui de vivre en sécurité et en paix. Les juristes musulmans considèrent que le brigandage en bandes organisées et la sédition armée mettent en péril l’existence de la communauté ainsi que ses droits et sa prospérité et qu’il faut donc les combattre avec force et détermination. C’est la seule situation pénale dans le droit musulman où la victime ne peut pas user de son droit de pardon ou de son désistement d’une partie de sa plainte si la justice venait à prouver le crime. La Charia islamique donne à l’agressé le droit à la légitime défense pouvant causer la mort à l’agresseur s’il ne trouve pas d’autre voie que la violence contre la violence.

Celui qui tue en état de légitime défense n’a pas de Diya (tribu de sang) à verser aux ayants-droits ni de Kaffara (purification par le jeune ou l’aumône) La Charia islamique oblige le musulman à porter secours à l’agressé et d’empêcher l’agresseur de commettre son acte. Si l’agressé ou celui qui lui porte secours meurt à la suite de l’agression ils sont considéré comme des martyrs car ils ont défendu le droit à la vie. Celui qui ne peut porter assistance doit appeler au secours sinon aider la justice pour mettre fin à la Baltagiya et restaurer les droits de la victime.

Le Prophète a fait partager la responsabilité de l’agression également à celui qui a la possibilité de porter assistance à la victime et ne le fait pas préférant le silence ou la démission. Il a dit : « Que l’un de vous ne reste pas impuissant devant un homme (ou ne prenne pas position en faveur) qui porte atteinte à la vie d’autrui. Celui qui se dérobe sera poursuivi de malédiction. Que l’un de vous ne reste pas impuissant (ou ne prenne pas position en faveur) devant un homme qui frappe un autre. Celui qui se dérobe sera poursuivi de malédiction. » L’islam et sa Charia ordonne aux individus et à la société de s’opposer vigoureusement à ceux qui agressent injustement les autres et leurs portent torts et préjudices. Si la société ne le fait pas alors ses membres courent le risque de voir l’anarchie s’installer en son sein et se trouver dans le malheur et l’adversité sans qu’Allah ne réponde à leur invocation.

Le Prophète (saws) a dit : « Lorsque les gens délaissent l’injuste commettre ses injustices sans l’en empêcher alors ils ne sont plus à l’abri d’un châtiment de Dieu qui les frappera à l’improviste » « Le pays où les gens commettent impunément l’injustice et assassinent devient une terre perverse (ardh khabitha). Dans une autre version : Il ne restera alors à celui qui cherche le repentir qu’à fuir cette terre de mal » La charia islamique fait de la défense des membres de la société un devoir qui incombe à l’ensemble de la société. Tout individu ou groupe qui subit une injustice ou une exaction de la part d’autres individus ou d’autres groupes entraine l’engagement de la responsabilité morale et religieuse de l’ensemble de la société qui a failli à ses devoirs d’instaurer et de garantir la sécurité à ses membres.

Le juge musulman lorsque il est devant un crime dont il ne parvient pas à identifier les auteurs a l’obligation de faire témoigner 50 personnes du quartier où a eu lieu le meurtre et de leur faire prêter serment qu’ils ne sont ni auteurs ni complices de l’auteur et qu’ils ne connaissent pas son identité. La vie humaine est sacrée. Même s’ils ne sont pas les auteurs du crime, ils sont tenus de verser le tribut du sang à un juge qui se car ils portent la responsabilité sociale d’avoir permis par leur laxisme le meurtre dans leur cité. La loi musulmane considère que le criminel n’a pu commettre son crime dans un lieu que parce qu’il bénéficie de la complicité de quelques-uns de ses membres ou parce qu’il connait le relâchement des liens sociaux ou de la conscience morale.

La Baltagiya est un comportement criminel qui relève des grands péchés que l’Instance de la Fatwa tient à rappeler la gravité de son existence et la responsabilité de la société dans son apparition et sa persistance. L’Islam considère la Baltagiya une corruption grave (Fassad fil ardh) qui mérite donc une riposte sociale des plus vigilantes et des plus responsables ainsi les peines pénales les plus lourdes comme le prévoit le code pénal dans ses articles 6 de 1998, 10 de 2011. L’Instance de la Fatwa rappelle le principe: « La lourdeur des peines est fonction de l’ampleur des crimes »

La Baltagiya que le droit condamne a plusieurs manifestations : intimidation par la force et la violence physique et morale, démonstration de force pour effrayer, menaces et atteintes à l’intégrité des personnes, de leurs biens et de leur dignité, mise en danger de la vie d’autrui, troubles de l’ordre et de la sécurité publique, contraintes et harcèlement, port d’armes, d’objets, de substances ou d’animaux, susceptibles de tuer, de blesser ou d’effrayer… L’attention doit être attirée sur les nouveaux comportements et phénomènes récents qui portent atteinte aux biens publics, à la vie normale des citoyens… »

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Ce texte appelle des observations pour améliorer nos connaissances sur ce qui se passe et enseigner à nos enfants et petits enfants la valeur de la paix et de la dignité humaine. La première observation c’est la lourdeur des peines et le peu de compassion de la Charia envers les brigands qui portent atteinte à la vie et à la sécurité des innocents. Il faut avoir une idée de l’horreur des crimes et de l’ampleur de la violence infernale pour admettre que les auteurs baltagiyas ne méritent aucune compassion. Il faut avoir en mémoire que le Prophète n’a pas imaginé ni mis en exécution ces peines, mais qu’ils s’imposaient à une société musulmane naissante qui a garanti la paix, la sécurité, la justice, l’équité, la solidarité sociale et la fraternité entre ses membres. Toute intrusion violente et criminelle dans une société qui aspire à se civiliser doit être sévèrement punie, car non seulement elle sape la concorde civile, mais pousse la société à revenir à ses instincts tribaux et à sa dislocation.

A ce titre je laisse deux vidéos exprimer l’horreur des victimes et la lâcheté de la société qui assiste impuissante sans parler de la monstruosité de ceux qui appellent au lynchage. Ame sensible s’abstenir. L’internet est rempli de séquences sur l’indicible et l’insupportable de ce que endure l’opprimé en terres d’Islam :

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=taAQ7iOy5xY[/youtube]

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=G_5JabYvqWU[/youtube]

La seconde observation c’est que celui qui suit les révolutions arabes constate avec effroi ce qu’elles ont produit comme violence et comme terreur. En Egypte cette terreur était devenue un phénomène banalisé qui prenait de l’ampleur lors des élections pour intimider les électeurs. Les candidats aux élections se sont montrés extrêmement violents dans leurs discours, leurs comportements et leurs menaces contre leur adversaire sans que la justice, la police, les médias, les partis politiques et les autorités religieuses n’en fassent une préoccupation majeure. Autant la violence en Syrie et en Libye montait en crescendo sur le terrain militaire, autant elle montait en Egypte sur le plan social, politique et idéologique. Le même diable semblait agir partout, encourageant les uns et les autre à s’entre-tuer… en donnant les justifications religieuses et idéologiques à ce que l’Islam et la morale universelle rejettent pour que chacun ne cherche qu’à fuir pour sauver sa vie :

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Cette spirale de la violence semble même être cotée dans la bourse des salaires de la terreur et de la mort tant chez les Jihadistes en Syrie que les Baltagiyas en Egypte, œuvrant chacun pour objectifs paradoxaux, mais se retrouvant réunis par la même finalité : saper le monde arabe.

Certains journalistes égyptiens avaient avancé le montant de l’intervention « technique » des Baltagis évaluée entre 40 et 200 euros par personne et par opération. Le salaire mensuel moyen en Egypte est de l’ordre de 70 euros. Le marché du mercenariat est donc florissant en termes de revenus et en termes d’offres de services. La violence inter parti constitue la demande. C’est un sans doute le plus grand employeur du monde. Des experts évaluent à 450 mille personnes le nombre de Baltagis.

Un expert criminologue égyptien (le colonel Rafat Abdelahamid) soutient que le revenu du Baltagi peut atteindre jusqu’à 1000 euros couvrant son salaire et les frais techniques de son opération, les soins s’il est blessé, les frais de justice et l’amélioration de ses conditions de détention. Il soutient que le Baltagi est aussi employé dans les opérations de surveillance, de garde rapprochée des hautes personnalités. C’est un véritable business que n’offrent pas les tours opérators. Cette expertise a été menée en 2005. Nous sommes en 2013 : le marché s’est structuré et s’est politisé.

Celui qui suit le devenir des révolutions arabes a sans doute suivi le déroulement du coup d’État en Egypte qui a commencé par la mobilisation des Baltagis semant la terreur dans le pays et « prouvant » aux égyptiens qu’ils sont otages et qu’ils n’ont que le choix : se débarrasser de Morsi et des Frères musulmans incapables d’assurer leur sécurité ou subir la terreur organisée et impitoyable.

La baltagiya n’est plus un mouvement de voyous que les services utilisent pour les sales besognes. C’est une véritable institution du crime politique et de l’intimidation sociale que les régimes totalitaires n’ont pas su inventer, mais que l’esprit arabe dictatorial a produit dans le plus grand pays arabe et dans l’une des plus anciennes civilisations du monde. Le colonel Badaoui Abdelatif ancien conseiller du Ministre de l’intérieur avait avancé dans les colonnes du plus grand quotidien arabe Al Ahram, en 2011 ou 2012, le chiffre effarant de 50 officiers supérieurs et de 150 officiers subalternes qui étaient chargés de superviser et de coordonner la Baltagiya.

Pour les rares analyses et juristes égyptiens qui ont voulu écrire ou répondre aux questions des rares journalistes intéressés par le sujet après la chute de Moubarak l’explication de l’existence et de la puissance de la Baltagiya est que la sécurité nationale et intérieure était focalisée sur la protection du président et des principaux cadres du parti du président qui administraient le territoire. Le peuple était livré à lui-même et aux voyous. Je n’ai pas trouvé de documents de références, mais il semble que le Président Morsi a été confronté à l’énigme de l’organisation secrète et puissante de la Baltagiya et de son infiltration dans les rouages de l’Etat. Le limogeage du chef de la police, du ministre de l’intérieur et les mesures prises au sein de l’appareil de justice ont trouvé une résistance des appareils et des médias toujours au service de l’ancien régime.

Ce phénomène dépasse donc le politique et le sécuritaire au sens logique des termes : il y a une opération terrorisante internationale qui reproduit le même modèle en Irak, en Syrie et en Egypte sous des slogans différents. Guerre confessionnelle entre sunnites et chiites, guerre idéologique entre islamistes et baasistes, guerre de pouvoir entre démocrates nationalistes et Frères musulmans.

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La troisième observation c’est que le texte de la Fatwa crée l’amalgame entre le justiciable et le politique. Défendre la légalité ou la légitimité n’est pas de la Baltagiya. Se contenter de citer des références qui font l’unanimité dans le monde musulman, arabe et non arabe, sunnite et chiite, depuis 14 siècles, sans impliquer la responsabilité de l’Etat, du Ministre de l’intérieur, de la Justice, et sans demander une enquête criminologique ou une étude sociologique c’est prendre les gens pour des vessies. Jamais dans un pays démocratique, un curé, un rabbin, un citoyen, un gouvernant, un opposant, un militaire ou un policier ne viendrait confondre une association de malfaiteurs avec une marche pacifique qui réclame des droits sociaux ou qui exprime une opinion politique.

L’autorité religieuse qui se permet de telles confusions participe à la crise sociale et politique en mettant le curseur là où il ne doit pas être mis. Ce sont ces confusions et cette absence de vision lointaine sur le devenir des choses qui ont mis Qaradhawi et les Frères musulmans dans une fausse posture dans la conduite de la révolution égyptienne et ses implications en Libye et en Syrie sans parler de leurs dérives vers le sectarisme religieux dans la région.

La quatrième observation c’est que le texte de la Fatwa s’il met en évidence la profondeur du phénomène semble pourtant montrer les limites d’analyse sociale, politique et psychologique des autorités religieuses officielles de ce phénomène destructeur. Les sociologues et les psychologues ont des champs d’études sur cette « espèce humaine » qui se conduit en prédateurs contre les opprimés.

Nous connaissons tous les grandes causes que sont l’effondrement social, le climat de violence généré par le despotisme politique, le non droit, l’absence de démocratie, le désespoir social, le mimétisme du marginal qui est prêt à n’importe quoi pour s’enrichir et acquérir du pouvoir qui lui donnent sens, l’ignorance, l’absence de conscience sociale et politique de ce que les marxistes appelle le lumpenprolétariat ou sous-produit de la bourgeoisie d’affaires mafieuse vassalisée au grand capital internationale et aux mafias régionales du grand capital.

Il faut aller plus loin dans l’étude des mécanismes sociaux, psychologiques, économiques et policiers, car le phénomène, en Égypte s’installe durablement et risque de faire école dans le reste des pays arabes en quête de changement ou en échec de changement. En effet, l’Égypte offre un champ social, politique et économique et une proximité particulière avec l’entité sioniste et l’administration américaine qui font que l’expression de la Baltagiya est plus violente qu’ailleurs, plus organisée, et plus présente dans la vie sociale et politique. Elle aura des répercussions irréversibles sur le reste du monde arabe.

A terme les Chrétiens d’Orient seront les plus perdants. Les Coptes égyptiens sont une minorité qui a un niveau d’instruction et de revenu supérieur à celui des musulmans dans la majorité sont paupérisés. Ils ajoutent au mécontentement populaire et se placent en cibles lorsqu’ils soutiennent un coup d’État et pavanent dans les plateaux de télévision occidentaux pour exprimer leur haine des Frères musulmans et leur refus de la Charia. Il faut rappeler qu’en Egypte la Charia est, sur le plan formel, toujours en vigueur et les Coptes ont leur propre loi en matière de code de la famille. Le sionisme et l’impérialisme veulent justement expurger le monde arabe de la présence chrétienne pour des raisons stratégiques que j’ai expliqué dans mon livre sur l’Islamophobie.

La Fatwa souffre du littéralisme des élites musulmanes qui se contentent du verbe alors qu’elles ont le devoir de mobiliser les moyens d’études et de résolution des problèmes. Elle ne met pas fin à la confusion en Egypte qui vit depuis longtemps une violence que la révolution a exacerbée sans lui apporter réponses et solutions. Les facteurs anciens et les acteurs anciens sont toujours présents s’affrontant pour un avenir de plus en plus incertain. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’incertitude n’est pas seulement politique et économique, mais elle est sociale et sécuritaire.

Par ailleurs, pour comprendre la gravité de cette incertitude il faut se rappeler les scandales de la République française dans la collusion entre les services et les intérêts mafieux sur les questions de gestion de la rente coloniale, et il faut imaginer la collusion des services et des intérêts en Égypte, pays pauvre, colonisé, surpeuplé et doté d’élites bavardes, sur-diplômées, mais hyper ignorantes des règles politiques et démocratiques. La France ou un autre pays occidental a les moyens de surmonter sa crise et de balayer dans ses services. Dans les conditions égyptiennes, la promotion de la petite délinquance en partenaire sécuritaire et en allié politique va détruire ce qui reste de l’Etat et de la société. Il faut interroger l’histoire. L’État ne peut survivre ni renaître dans les conditions de domination de la Baltagiya ou de la Boulitique. Lorsque ces deux fléaux se rencontrent c’est la société elle-même qui est mise à mort ou qui se corrompt et finit par devenir une malédiction pour elle-même. On comprend l’effroi du Prophète devant la vision du monde musulman se déchirant :

« Malheur aux arabes à cause d’un mal qui approche…
Allons-nous périr alors qu’il y a les gens pieux parmi nous ?
Oui si le mal augmente (se répand) ! Dans une autre version il a dit : Ils n’interdisent pas le blâmable »

La situation est catastrophique car les élites dites civilisées instrumentalisent la nature humaine qui se révèle ou qui est conduite à devenir lamentablement mauvaise et inconsciente de la gravité de ses péchés. Les élites deviennent le cœur de l’abîme, le moteur de l’abime, lorsque ces élites se laissent guider par la passion et par l’idéologie aveugle alors qu’elles sont déjà enracinées dans la boulitique, c’est-à-dire lorsqu’elles interviennent dans le champ public sans analyse scientifique, sans inscription dans le long terme, sans nobles et généreuses aspirations.

Si on peut faire attribuer l’horreur de ce qui se produit à des milices de voyous sanguinaires, ou à des militaires mus par l’esprit de corps et la discipline militaire, ou à des policiers excités, comment comprendre les déraisons des élites qui appellent au meurtre, à l’éradication de l’autre, au fascisme, à l’approbation et à l’encouragement de la Baltagiya qui tente de lyncher ou de brûler les citoyens évacués par la force des armes de la mosquée Al Fath devant les forces publiques pour ne pas dire sous leur protection ?

Pour l’œil exercé à voir, le siège de la Mosquée Al Fath par l’armée, la police et la Baltagiya signifiait que des dirigeants de l’opposition au coup d’État y siégeaient ou y avaient trouvé refuge. La foule, les téléphones portables et les accords entre les officiers et les assiégés ont sans doute permis aux évacués de ne pas se faire lyncher par la Baltagiya comme il était prévu, mais cela ne leur a pas sauvé la vie sur la route de leur prison où ils ont été assassinés dans une opération rocambolesque maquillant le crime en tentatives d’évasion. Depuis 2011, les Égyptiens savent que dans la police il y a des fonctionnaires au rang de sous-officiers et d’officiers affiliés à la Baltagia. Si les écoles arabes ont produit des crétins Les écoles coloniales et en particuliers les écoles anglo-saxonnes ont produit des monstres.

Pour comprendre où va l’Égypte conduite par les faux démocrates il faut imaginer un pays du tiers monde dont la police est du sommet à la base constituée par des réseaux affiliés aux cartels de la drogue, de la prostitution, du racket et du crime organisé. Ces réseaux disposent autant d’hommes que l’armée égyptienne. Que dire lorsque ces appels au meurtre et à la violence hors de la légalité et hors du contrôle de la justice sont prononcés par des académiciens, des scientifiques, des juristes qui se prétendaient des humanistes, des démocrates, des dialoguistes.

Les pays occidentaux qui couvrent les crimes commis contre nos peuples assurent la protection, dans leur société, aux assassins et aux violeurs pour les conduire sains et saufs devant les juridictions. Tant que la justice ne s’est pas prononcée ils demeurent des présumés coupables. Les élites arabes ne parviennent pas à cette conscience morale, intellectuelle et sociale du droit et de la dignité humaine.

Est-ce que les souteneurs du coup d’État vont prendre conscience que l’interruption de la Baltagiya dans le phénomène politique était le coup fatal donné à Moubarak et à son parti de fonctionnaires, d’affairistes et de journalistes. Le peuple égyptien a été lourdement choqué et a rompu définitivement et totalement avec Moubarak, son armée et sa police. Cela n’a pas duré longtemps car les arrangements d’appareils et la course au pouvoir étaient plus forts que la construction de l’État de droit et l’assainissement psychosocial. Y aurait-il un sursaut de conscience, un autre choc salvateur ? Est-ce que les souteneurs du coup d’Etat vont prendre conscience des ravages sociaux et culturels commis par les milices des Baltagiyas promus en « comités populaires » faisant la loi.

Les Égyptiens, en vérité, n’ont pas tiré leçons de la grave collusion entre sécurité, médias, Boulitique et Baltagiya lors d’un match de football à petit enjeu de prestige sportif régional. Est-ce qu’ils vont tirer la sonnette d’alarme et se réveiller cette fois qu’il s’agit d’enjeux plus grands ? Est-ce qu’ils vont réaliser l’horreur qui les attend lorsque cette meute de loups sanguinaires et impitoyables va prendre le contrôle définitif des appareils, des cités, des esprits et s’installer dans l’impunité totale.

La baltagiya, au-delà de son nom, de son lieu et de son époque, détruit ce qui reste d’humanité dans les cœurs et les esprits après avoir sapé tous les fondements de la civilisation. Il y a une loi immuable et implacable qui échappe aux criminels et à leurs commanditaires :

{Aux Thamoud Nous avons envoyé leur frère Sâlih pour les exhorter à adorer Dieu ! Mais voilà qu’ils se scindèrent en deux groupes qui se querellaient.  » O mon peuple !, leur dit Sâlih, pourquoi vous hâtez-vous d’accomplir le mal plutôt que le bien ? Si seulement vous demandiez pardon à Dieu, peut-être vous serait-il fait miséricorde… «  Ils dirent :  » Nous avons tiré un mauvais augure de toi et de ceux qui sont avec toi « . Il dit :  » Votre augure relève de Dieu ; mais vous êtes un peuple mis à l’épreuve « . Il y avait dans la ville neuf individus qui semaient la corruption sur la terre et qui ne s’amendaient pas. Ensemble, ils firent par Dieu ce serment :  » Nous l’assaillerons de nuit, lui et sa famille ; puis nous dirons au vengeur de son sang : « Nous n’avons rien vu du massacre de sa famille ; certes, nous disons vrai ! » «  Ils ourdirent un stratagème, mais Nous en avons ourdi un autre, sans qu’ils s’en rendent compte. Vois quel a été le résultat de leur ruse : Nous les avons exterminés, eux et tout leur peuple. Leurs demeures sont aujourd’hui désertes parce qu’ils ont été iniques. Il y a vraiment là un signe pour l’édification des hommes. } [An Naml 45 à 52]

Omar MAZRIwww.liberation-opprimes.net

Rédaction

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