La relation complexe entre l’Algérie et la France traverse une phase décisive. Ce conflit, apparu d’abord comme temporaire et médiatiquement chargé, s’est mué en une crise structurelle profonde qui affecte non seulement les relations diplomatiques entre les deux États, mais aussi la coexistence interne au sein du territoire français entre la population immigrée, notamment algérienne, et les forces politiques dominantes. À cela s’ajoute le drame survenu récemment avec le meurtre d’un jeune homme malien dans une mosquée française, événement qui a ravivé les tensions latentes liées à l’islamophobie institutionnelle et au rejet de l’autre.
Pour comprendre cette situation, il convient de l’analyser sous deux angles complémentaires. D’une part, le processus de désengagement entre les deux États s’accélère. L’Algérie, déterminée à rompre avec une tutelle néocoloniale persistante, affirme sa souveraineté face à une France où l’influence d’une droite radicale et d’un establishment colonialiste ne cesse de croître. Cette dynamique n’est pas isolée : elle s’ancre dans une volonté plus large de retrouver une trajectoire autonome, culturellement, économiquement et politiquement. En parallèle, une fracture se creuse en France entre l’État et ses citoyens d’origine algérienne, pris pour cible dans une rhétorique nationaliste qui instrumentalise la peur et le ressentiment.
Ces deux crises — externe et interne — sont étroitement liées. Elles naissent toutes deux d’un même terreau idéologique : celui d’un courant xénophobe et colonialiste qui utilise la haine de l’autre comme levier politique. Le Rassemblement national, soutenu par une partie influente du patronat français hostile à l’immigration musulmane, a fait de l’hostilité envers les Algériens un pilier central de son projet. Les Algériens vivant en France deviennent ainsi les boucs émissaires d’un système en crise, dans une logique rappelant tragiquement celle des périodes sombres de l’histoire européenne.
L’affaire récente des agents de la DGSI interceptés à Alger illustre bien cette rupture en marche. Refoulés avec des passeports diplomatiques frauduleux, ces individus ont été pris en flagrant délit d’ingérence. Cet incident, ajouté au renvoi de quinze employés français agissant en violation des normes locales, marque un tournant. L’Algérie réaffirme clairement sa capacité à défendre sa souveraineté contre toute ingérence extérieure.
Historiquement, ce mouvement s’inscrit dans une continuité : après l’indépendance puis la construction d’un État souverain, l’Algérie vit aujourd’hui une quatrième phase cruciale. Elle entend achever son émancipation face aux restes coloniaux et renouer avec son rôle naturel de puissance régionale et civilisationnelle. Ce processus bénéficie d’un soutien populaire massif, à l’exception notable d’une minorité pro-française héritée des années 1980-2019, désormais marginalisée.
Sur tous les fronts, l’Algérie consolide sa position : militairement, en réduisant sa coopération sécuritaire avec Paris ; diplomatiquement, en redevenant un acteur stabilisateur dans la région et un défenseur des causes justes mondiales ; économiquement, en orientant sa stratégie vers des partenaires respectueux de son indépendance ; culturellement, en promouvant progressivement l’anglais comme langue scientifique ; et médiatiquement, en cherchant à faire entendre sa voix au-delà des campagnes diffamatoires orchestrées depuis la France.
En métropole, la communauté algérienne vit une période de tension exacerbée. La mort d’Aboubakar Cissé a provoqué une prise de conscience collective : les Algériens de France refusent d’être perpétuellement stigmatisés, discriminés et exclus. Comme en 1983, une mobilisation pourrait émerger, à l’image du mouvement des droits civiques américain. Mais elle risque aussi d’être détournée ou réprimée par un pouvoir conscient de sa vulnérabilité face à une opinion publique de plus en plus polarisée.
Face à cet avenir incertain, une chose est claire : l’heure est venue pour les Algériens de France de passer d’une logique individualiste à une solidarité politique active. S’appuyant sur l’optimisme de l’action prôné par Gramsci, ils doivent construire une réponse collective et affirmée pour défendre leurs droits, leur dignité et leur place dans une société française tentée par l’exclusion.
Tandis que la France brûle lentement sous les flammes de la division et de l’intolérance, l’Algérie poursuit résolument son chemin, libérée des chaînes du passé, vers une souveraineté retrouvée et un avenir radieux.