Maroc, Israel

Par-delà les distances et les histoires singulières, certains parallèles géopolitiques interpellent par leur précision. Gaza et le Sahara Occidental. Deux territoires que tout semble opposer, si ce n’est l’essentiel : l’occupation, la négation du droit et l’effacement programmé de l’identité. Deux peuples confrontés à une entreprise de domination qui ne dit pas toujours son nom, mais qui suit une logique bien huilée. D’un côté, le sionisme revendiqué. De l’autre, son miroir camouflé.

Le Maroc, dans sa gestion du Sahara Occidental, ne cherche pas uniquement à contrôler un territoire. Il tente d’en effacer la cause, d’enrayer la mémoire. À l’instar d’Israël, qui, au-delà des destructions à Gaza, vise l’effacement de l’idée même de Palestine. Les méthodes diffèrent, les moyens s’adaptent : ici, des frappes aériennes ; là, des plans d’urbanisation ou des investissements touristiques. Mais la finalité reste identique : rendre irréversible l’occupation, la normaliser jusqu’à l’ancrer dans les consciences.

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Depuis quelques années, la stratégie marocaine semble calquée sur celle d’Israël. Avec quelques décennies de décalage, Rabat adopte les mêmes leviers : maîtrise du récit, politique de faits accomplis, recherche d’alliances structurantes. Le rêve chérifien d’un royaume étendu, englobant des territoires sahraouis, mauritaniens et même algériens, rappelle, par sa logique, l’utopie du « Grand Israël » biblique, projeté du Nil à l’Euphrate.

La récente normalisation des relations entre le Maroc et Israël a renforcé cette dynamique. Ce rapprochement n’est pas qu’une alliance conjoncturelle ; il constitue un pacte stratégique. Désormais, Rabat n’agit plus seul : il s’inscrit dans une logique régionale élargie, où les intérêts israéliens et occidentaux trouvent, en territoire marocain, un point d’ancrage. Le Sahara Occidental n’est plus la finalité du projet, mais un tremplin. Une étape dans une ambition de redéploiement régional, dans laquelle l’Algérie apparaît comme le véritable enjeu.

Des cartes circulent, des discours s’esquissent. Tindouf, Béchar… autant de noms qui apparaissent dans les projections de certains cercles nationalistes marocains. Cette vision expansionniste n’est plus marginale ; elle s’appuie aujourd’hui sur un soutien technologique, sécuritaire et diplomatique, où Israël joue un rôle de catalyseur.

L’Algérie, dans cette reconfiguration, n’est plus confrontée à un simple voisin rival. Elle fait face à une coalition idéologique et stratégique, qui ambitionne de redessiner les équilibres en Afrique du Nord. Ce n’est pas seulement pour ses choix politiques que l’Algérie dérange, mais pour ce qu’elle incarne : un modèle postcolonial, un attachement à l’autodétermination, une résistance au retour de formes de domination sous couvert de modernité.

Ce que défend Alger dépasse la seule question sahraouie. C’est un principe universel : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, contre toute instrumentalisation. Face aux nouvelles formes d’ingérence – diplomatiques, économiques ou culturelles – elle tente de maintenir une ligne d’indépendance. Une posture qui tranche avec les dynamiques de normalisation à l’œuvre ailleurs dans la région.

Même des voix peu favorables à l’Algérie, à l’image de l’ex-conseiller américain John Bolton, ont souligné la dimension profondément coloniale du dossier sahraoui. Pour lui, la situation actuelle masque une stratégie d’absorption territoriale. Abandonner le Sahara Occidental reviendrait à remettre en cause l’ensemble des fondations de l’ordre postcolonial africain. Dans cette optique, l’alliance maroco-israélienne apparaît comme le vecteur principal d’une bascule historique.

Il ne s’agit donc plus seulement de maintenir la cause sahraouie dans les instances internationales. Il faut la replacer au cœur d’un combat idéologique global. Gaza et le Sahara Occidental sont désormais deux lignes de front d’un même affrontement : celui d’un nouvel impérialisme déguisé en modernité, où se mêlent diplomatie sécuritaire, haute technologie et tourisme géopolitique.

L’Algérie dispose d’un capital historique unique, mais cela ne suffit plus. Le moment exige une parole forte, une stratégie renouvelée, un appareil diplomatique capable d’affronter non pas un État, mais une architecture d’influence. Le Maroc n’est plus un acteur isolé ; il est devenu l’interface maghrébine d’un projet d’expansion régional aux ramifications multiples.

Dans ce contexte, le Sahara Occidental ne représente pas seulement un territoire en litige. Il est devenu une tranchée avancée. L’Algérie, elle, en constitue la ligne de fond. Et entre les deux, c’est une certaine idée du monde qui se joue.

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