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vendredi 29 mars, 2024

Histoire du business halal en France

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France 1996 – Naissance des monopoles du business du halal

Personne ne sait exactement combien il y a de musulmans en France, mais leur nombre dépasse les quatre millions (sur une population totale de 60 millions). Environ la moitié sont des étrangers, et l’autre moitié ont la nationalité française. Si on estime que chaque personne mange au moins cinquante kilogrammes de viande par an, la quantité de viande consommée par les musulmans de France est assez considérable, autour de 200.000 tonnes: si tous les musulmans de France étaient de bons musulmans, et ne mangeaient que de la viande “Halal”, c’est à dire de la viande d’animaux sacrifiés rituellement, cela représenterait un marché assez important, de 10 à 15 pour cent du marché national, pour de la viande préparée pour des musulmans dans un pays majoritairement chrétien.

Et effectivement il suffit de se promener dans certains quartiers de Paris, en particulier le long des boulevards de Belleville, Ménilmontant, la Villette et dans la rue Jean-Pierre Timbaud, dans le nord-est de Paris, pour être convaincu qu’effectivement tous ces Arabes, ces Turcs et ces croyants français sont de bons musulmans: on peut voir sur les enseignes de presque toutes ces boucheries les inscriptions “Boucherie Halal” ou Boucherie Musulmane”. Abandonnés par leurs clients traditionnels, qui achètent 80 pour cent de la viande qu’ils consomment dans de grandes surfaces, les bouchers français vendent leurs commerces à des immigrants musulmans.

Pas plus de cinq à dix pour cent de la viande vendue sous l'étiquette Halal est réellement Halal

Fête du sacrifice à Grigny, région parisienne. Mais en fait, la plupart des chefs de la communauté musulmane et les experts français estiment — et c’est probablement la seule chose sur laquelle ils soient d’accord — que pas plus de 5 à 10 pour cent de la viande vendue en France sous l’étiquette “Halal” est réellement “Halal”: “Entre 90 et 95 pour cent de la viande vendue dans des boucheries “musulmanes” n’est pas “Halal”, estime un expert du ministère de l’agriculture: “Un boucher achète un mouton qui a été tué rituellement sous la supervision d’un musulman, et l’accroche bien en évidence à la devanture de sa boutique, avec son timbre bleu et vert; mais tout le reste de la viande qu’il vend dans son magasin provient du marché en gros de Rungis, et n’est certainement pas “Halal”…

Larbi Kechat, le recteur de la mosquée “Ad Dawa”, l’un des plus grands lieux de culte musulman de Paris, connu sous le nom de mosquée de Stalingrad, admet qu’un “très grand pourcentage de magasins vendent de la viande qui n’est pas vraiement “Halal”. Pourquoi? “ Parce que tout le monde sait que l’Islam rapporte de l’argent. Ces gens veulent s’enrichir à n’importe quel prix”.

Ahmet Bakjan, secrétaire général de l’Union Islamique de France, qui supervise l’une des deux petites “mosquées” turques du Faubourg Saint-Denis, à Paris, prétend que “dans cette rue (pleine de “boucheries musulmanes”) on ne peut pas trouver de viande “Halal”, spécialement dans les boucheries turques. “Je connais personnellement, raconte Ahmet Bakjan, un boucher turc qui est communiste, mais qui a mis “Boucherie Musulmane” sur son enseigne pour gagner plus d’argent”.

Paradoxalement, le problème de la “fausse viande Halal” est devenu un problème national dans un pays qui est en même temps laïque et majoritairement chrétien. Tout d’abord parce que comme tous les “labels”, le label “Halal” est soumis à la loi française, qui interdit de tromper le consommateur et de lui vendre un produit qui n’est pas conforme à l’étiquette… Et aussi parce que des sommes d’argent colossales sont en jeu. Et finalement parce que ce problème concerne directement la très délicate question de l’organisation de la communauté musulmane de France.

Comment tuer des animaux de façon “Halal”

Pour être qualifiée “Halal”, la viande doit provenir d’un animal qui n’est pas ‘Haram” (proscrit, comme la viande de porc); elle doit également provenir d’un animal qui a été abattu par un musulman qui coupe la gorge de l’animal, tranchant la carotide et les jugulaires, pour le saigner à mort en dirigeant la tête de l’animal vers la Mecque; et celui qui sacrifie l’animal doit prononcer les mots “Bismilla Rahim oua Allah Akbar” (Au Nom de Dieu, Dieu est Grand). Dans tous les pays européens et en France en particulier, l’abattage des animaux pour la consommation de la viande est réglementé par de nombreux décrets et lois qui ont pour but de protéger le consommateur (sa santé) et l’animal (pour l’empêcher de souffrir). Normalement les animaux sont tués par un choc mécanique ou électrique. Mais les abattoirs des communautés juives et musulmanes bénéficient de dispenses spéciales.

Cela pose des problèmes techniques: étant donné que l’animal est tué en étant saigné, cela ralentit la production de l’abattoir: 25 bœufs sont ainsi tués en une heure, au lieu de 30. C’est encore plus marqué pour les poulets: deux hommes peuvent sacrifier rituellement de 1.000 à 2.000 poulets à l’heure,contre 6.000 à l’heure dans un abattoir automatique. La loi française stipule également qu’un animal ne peut pas être suspendu avant d’être mis à mort: le bœuf ou le mouton doit être immobilisé dans une trappe spéciale, très coûteuse, environ 400.000 francs pour un bœuf. C’est donc un investissement considérable…

En outre un décret de 1980 stipule que les animaux ne peuvent être sacrifiés rituellement que par des personnes “qualifiées par des organisations religieuses reconnues”; et ces organisations doivent être “enregistrées par le ministère de l’Agriculture, sur proposition du ministère de l’Intérieur”. Ce décret ajoute que “si aucune organisation n’a été enregistrée”, le préfet du département peut accorder des “autorisations individuelles”. Cela a été le cas pendant plus de dix ans: les préfets de régions ont donné à plusieurs centaines de “sacrificateurs” l’autorisation de tuer des bœufs, moutons et poulets pour les musulmans de France. Parfois ces personnes étaient employées de façon permanente par des abattoirs qui fournissaient régulièrement des clients musulmans; dans d’autres cas les sacrificateurs travaillaient à la demande, quelques heures, ou un jour ou deux par semaine.

Une nouvelle profession: contrôleur

Mais cela créa bientôt un problème politique et religieux: Qui allait contrôler les sacrificateurs et la viande? Si un abattoir ne fonctionne pas à plein temps de façon rituelle, qui va vérifier que cette viande est bien “licite”, et apposer un timbre dessus pour que les clients du boucher sachent que cette viande est vraiement “Halal”? Et même si un abattoir fonctionne à plein temps de façon rituelle, qui va le contrôler — étant donné que n’importe quel homme d’affaires, musulman ou non, peut être tenté de gagner du temps — et de l’argent. Une nouvelle profession est née: “contrôleur”.

Ces contrôleurs vérifient que l’animal a bien été tué de façon rituelle, et, pour le garantir, ils apposent leur timbre sur diverses parties du corps de l’animal mort. Toutes ces organisations ont un trait commun: elles font payer l’abattoir pour ce contrôle — cela peut être un droit annuel (qui atteint 36.000 F), ou une taxe journalière (800 F) ou par animal (10 à 12 F) ou au kilo: de 0,30 F à 1 F… À son tour, l’abattoir répercute cette taxe sur le boucher, qui fait payer… le consommateur.

En quelques années on a vu émerger plusieurs organisations de “contrôleurs”: AVS, liée à la FNMF (Fédération Nationale des Musulmans de France); BARAKA, proche de l’UOIF (Union des Organisations Islamiques de France); AL TAKWA; GUII (Groupement des Unions Islamiques Internationales); CIAM (Centre Islamique des Alpes-Maritimes); LICOM; GISCOM (Groupement Islamique des Sacrificateurs et Contrôleurs Musulmans); BCAAR (Bureau de Contrôle de l’Alimentation et de l’Authentification Religieuse), etc. La liste de ces associations autoproclamées sans aucun statut légal n’a pas de fin.

Le marché de l'exportation

À côté du marché intérieur français, il y a un autre marché, encore plus important: la viande “Halal” pour l’exportation vers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient — environ 200.000 tonnes de viande et 200.000 tonnes de poulets, selon des estimations du ministère de l’Agriculture. Là aussi diverses organisations de “contrôleurs” vérifient que les animaux ont bien été sacrifiés rituellement, et se font payer pour cela: étant donné que les quantités sont considérables, la taxe est de “seulement” quelques centimes (0,02 à 0,05 F) par kilo.

Les responsables français et la plupart des dirigeants de la communauté musulmane conviennent que la plupart de ces organisations, sinon toutes, ont plus pour but de s’enrichir que de pourvoir au bien-être de la communauté musulmane: le nom d”association musulmane…” n’est souvent qu’une façade pour des activités commerciales; il n’y a en fait aucune association derrière ce nom. C’est un mécanisme ingénieux mis en place par un homme d’affaires “musulman” et quelques amis; quelquefois c’est une affaire de famille: un soi-disant “président”, avec sa femme, sa fille et son gendre! À Marseille, où vit une importante communauté musulmane, un homme qui s’est proclamé “imam” vend 4.000 F à un abattoir le droit d’utiliser son tampon “Halal”…

Une organisation basée à Paris fait payer 0,30 F par kilo pour contrôler la viande et mettre son timbre dessus. Selon la plupart des observateurs, elle travaille assez sérieusement, inspectant souvent les abattoirs, et prétendant même avoir des inspecteurs permanentes dans certains abattoirs (pour les poulets). Cette organisation contrôle aussi les bouchers, vérifiant qu’ils ne vendent que de la viande “Halal”. Dans ce cas ils obtiennent un autocollant qu’ils peuvent coller sur leurs vitrines. Mais cette organisation est l’objet d’un certain nombre de rumeurs: “Il y a quelques années, ils circulaient en métro; nous leur donnions de temps en temps 200 ou 300 Francs pour leur travail de volontaires”, dit un boucher installé près de la mosquée “Jamaa al Tabligh”, dans la rue Jean-Pierre Timbaud à Paris; “mais aujourd’hui ces gens roulent au volant de voitures neuves… Et ils font payer les abattoirs, qui nous font payer à leur tour leurs services”. Selon diverses sources, cette organisation demande aussi de l’argent — sous la table — à des abattoirs et des bouchers, pour traiter avec eux. Et Khalil Merroun, le recteur, originaire du Maroc, du Centre Islamique d’Evry, n’hésite pas à condamner les “contrôleurs” qui menacent les bouchers en leur disant: “Si vous ne prenez pas notre viande, nous dirons aux gens que votre viande n’est pas “Halal”. En des termes moins diplomatiques, des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur parlent de “racket”.

Ces organisations de contrôleurs essaient également d’obtenir de juteuses commissions dans le marché de l’exportation: il arrive souvent qu’un représentant d’une “association musulmane” prenne contact avec un exportateur de viande et lui dise: “J’ai un client au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord qui serait susceptible de vous acheter de la viande; mais il veut que les sacrificateurs et les contrôleurs soient nommés par mon association… Et puisque je vous apporte l’affaire, pouvez-vous me payer une commission… sous la table”.

Les quatre principaux exportateurs français de viande — SOCOPA, ARCADIE, BIRET International, VITAL — se sont plaints régulièrement de ce genre de pratiques. Dans certains cas, des sociétés d’importation ou des ministères du Koweit, des Emirats Arabes, ou du Yemen, ont officiellement demandé à ces exportateurs de travailler avec telle ou telle “association”, amenant des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur à se demander si ces pays ne finançaient pas indirectement telle ou telle association islamique. En 1994, le ministère de l’Awkaf (affaires religieuses) du Yemen a demandé que BARAKA, une organisation liée à l’UOIF (Union des Organisations Islamiques de France) soit le “contrôleur” pour un contrat qui devait être signé avec ce pays. Apparemment, cela s’est su, et Fouad Alaoui, secrétaire général de l’UOIF, nous a déclaré: “Nous avions accepté de contrôler ce contrat parce que le ministre yéménite, qui était un ancien membre du conseil d’administration de notre association, avait insisté pour que nous le fassions… Mais cela ne nous a apporté que des problèmes; et nous avons gelé les activités de BARAKA”. Et Lhaj Thami Breze, le président de l’UOIF, déclare, sur la défensive: “L’UOIF a été accusée de se financer avec la viande “Halal”: Je jure sur Dieu que nous n’avons rien à voir avec cela”…

SOCOPA, le principal exportateur français, exporte 110.000 tonnes de viande par an, dont environ la moitié est “Halal: si l’on compte entre 0,02 et 0,05 Franc le kilo, cela représente une “taxe Halal” globale d’un montant oscillant entre un et cinq millions de Francs pour cette société — sans tenir compte des commissions non officielles… BIRET International exporte un peu moins de 15.000 tonnes de viande par an, et ARCADIE environ 7.500 tonnes… La France exporte également de grosses quantités de poulets vers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient: 200.000 tonnes par an, dont la moitié est exportée par une seule compagnie, DOUX, de Bretagne. C’est manifestement un marché juteux pour les bénéficiaires de “commissions”.

L’Iran est un cas à part: les contrats sont négociés directement avec le gouvernement français qui répartit le marché entre les principaux exportateurs de viande; l’Iran envoie alors en France une équipe relativement importante, comprenant un vétérinaire, plusieurs fonctionnaires de l’IMO (Iran Meat Organisation) et un imam. L’imam visite les abattoirs, contrôle les sacrificateurs, et vérifié toute la chaîne, pendant que les fonctionnaires de l’IMO et le vétérinaire font également leurs contrôles: les certificats finaux “Halal” portent trois signatures différentes… Toutes ces personnes sont les “hôtes” de l’exportateur de viande, qui leur fournit logement, nourriture, et argent de poche. Mais il n’y a pas de “taxe” au kilo.

À l’autre extrême, l’Algérie, l’Egypte et la Tunisie importent n’importe quelle viande pourvu qu’elle soit tamponnée “Halal”. Selon des rumeurs persistantes, d’habiles hommes d’affaires algériens basés à Marseille importent des cargos entiers de viande venant d’Argentine, et la réexportent directement en Afrique du Nord, après qu’un imam local ait mis son tampon “Halal” sur les documents — moyennant un versement généreux.

Le “monopole” de la Grande Mosquée de Paris

C’est pour clarifier cette situation qui devenait de plus en plus malsaine que le gouvernement français a promulgué le 15 décembre 1994 un décret connu comme le “Décret Pasqua” (du nom du ministre de l’Intérieur) déclarant que la Grande Mosquée de Paris était la seule organisation qualifiée pour désigner des sacrificateurs et contrôler leur travail. Le recteur actuel, Dalil Boubakeur, estimant le marché français de la viande Halal à 500.000 tonnes (un chiffre très gonflé, comme nous l’avons vu) a annoncé en juin 1995 qu’il avait signé un accord avec la FNEAP (Fédération Nationale des Abattoirs Publics) qui s’engageait à verser à la Grande Mosquée de Paris un franc par kilo de viande pour le “coût de l’assistance technique et théologique” (CATT).

Furieuses, toutes les autres organisations musulmanes de France dénoncèrent l”hégémonie” de la Grande Mosquée et déclarèrent qu’elles boycotteraient ce “label Halal”. Les protestations furent telles que le nouveau ministre de l’intérieur (Jean-Louis Debré) ajourna l’application du décret à fin juin 1996. En fait, il le supprimait.

Pourquoi Charles Pasqua avait-il fait un tel “cadeau” à la Grande Mosquée de Paris? Cette décision se situe dans le cadre de ses étroites relations avec Lamine Zeroual, le président de l’Algérie. Il comptait également sur Dalil Boubakeur pour propager un islam “moderne”, “éclairé” et “tolérant”: Inaugurée en 1926, la Grande Mosquée de Paris, la seule “véritable” mosquée de la capitale, a pendant des décennies diffusé un “islam français” très officiel… Gérée depuis 1982 par le gouvernement algérien, elle contrôle et paie les salaires d’une centaine d’imams en France; et elle est liée à une centaine d’associations musulmanes locales qui ne peuvent pas être soupçonnées d’abriter des “militants islamistes” proches du FIS. Finalement la Grande Mosquée contrôle les associations de “harkis” et de leurs descendants, devenus des citoyens français qui prennent part aux élections nationales: quelques mois avant les élections présidentielles du printemps 1995, Pasqua pouvait espérer qu’un tel cadeau serait payé de retour. Cela mit en ébullition la communauté musulmane.

Les divisions de la communauté musulmane de France

Le gouvernement français fait une fois de plus face à un défi quasiment insurmontable: comment encourager l’émergence d’un conseil représentatif des différents groupes, associations et communautés de musulmans vivant en France pour résoudre les divers problèmes en suspens: celui de la viande “Halal”, mais aussi la redistribution de la Zakat, le problème des musulmans faisant leur service militaire, l’interdiction du voile dans les écoles françaises, etc.

C’est d’autant plus difficile que la communauté musulmane de France est extrêmement hétérogène: outre les diverses communautés nationales (Algériens, Marocains, Tunisiens, Turcs, Kurdes, Sénégalais, Maliens, Comoriens, Français, etc), il y a des associations qui ont des liens étroits avec des organisations musulmanes internationales, comme “Tabligh et Dawa ila Allah” (affiliée à la Jamaa Tabligh, du Pakistan), et l’UOIF, qui a d’étroites relations avec le mouvement international des Frères Musulmans. Il y a pas moins de 1.300 associations musulmanes enregistrées en France, dont 48 pour la seule ville de Marseille.

La carte marocaine

Tout en soulignant qu’il s’agit d’une affaire purement interne française, des fonctionnaires de l’ambassade du Maroc montrent volontiers des lettres d’associations musulmanes françaises régionales déclarant à leur ambassade qu’elles ne peuvent accepter le décret Pasqua parce qu’on ne peut faire confiance à la Grande Mosquée: “L’Ambassadeur a fait part de ses réactions aux autorités françaises, et elles ont suspendu le décret”, dit un fonctionnaire de l’ambassade.

Pourquoi les Marocains ne peuvent-ils accepter l’autorité de la Grande Mosquée de Paris: “C’est une organisation dans laquelle nous ne nous reconnaissons pas”, dit ce fonctionnaire marocain. “Les Marocains ne reconnaîtront pas une autorité qui a été constituée sans leur participation”. Aucun Marocain ne le dira officiellement, mais ils ne peuvent pas accepter une décision qui mettrait au chômage quelque 200 sacrificateurs et contrôleurs d’origine marocaine — et ferait perdre les revenus liés à ce “contrôle”, remettant cette “manne” aux Algériens.

En fait, la communauté marocaine s’apprête à lancer sa propre organisation pour le contrôle de la viande “Halal”: le Centre Culturel Islamique d’Evry a créé récemment l’association “Halalan Tayyeban” (Le Pur Halal) qui contrôlera l’abattage des animaux et la distribution du “label Halal” aux boucheries: “Ce label sera retiré en cas de fraude, explique Khalil Merroun; et nous nous réservons le droit de dénoncer les fraudeurs dans la presse”! Est-ce que cela ne revient pas à créer une organisation de plus? “Non, répond Khalil Merroun, notre association sera basée sur un centre bien établi, et nous gèrerons les fonds collectés de façon très transparente: la Grande Mosquée de Paris n’opère pas avec cette transparence”.

“C’est évident que le Maroc a l’ambition de contrôler la communauté”, réplique Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris; “mais nous n’avons pas la même histoire: Je n’approuve pas la présence de fondamentalistes en leur sein. Je ne veux pas que des gens imposent l’islam des “Barbus”… Nous ne partageons pas les mêmes valeurs: Je connais les lois de la République depuis mon enfance”.

Vers un Islam français?

Bien avant la création en 1990 du CORIF (Conseil de Réflexion sur l’Islam en France) par le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe, les autorités françaises ont rêvé de faire naître, ou d’aider à faire naître, un “conseil”, un interlocuteur qui pourrait parler au nom des musulmans de France, comme les Protestants ou les Juifs ont leur organisation centrale. Le gouvernement français voulait avoir un seul interlocuteur auquel il pourrait s’adresser; mais surtout il voulait faire naître un “islam français”, coupant ses liens avec le Maroc et l’Algérie: les autorités françaises, de gauche ou de droite — cherchaient aussi à empêcher le FIS algérien d’étendre son influence en France…

The Middle East magazine, July 1996 – Le Courrier International, Juillet 1996

Rédaction

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