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jeudi 18 avril, 2024

Bain de sang en Egypte

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Le général Sissi appuyé par les cercles d’affaires liés à la prébende internationale, économique, médiatique et culturelle, agissant sous les impostures de gauche révolutionnaire ou agissant sous les impostures de l’Islam apolitique et bigot, vient d’entrer dans l’histoire comme assassin de son peuple. Ni lui ni ses soutiens apparents et cachés ne sortiront indemnes de l’épreuve de force qui tente de maintenir le système Moubarak et Sadate aux commandes de l’Egypte.

Il est impossible aux nouveaux-anciens maîtres  de gagner la confiance des gens du commun, ni d’imposer leur légitimité, ni d’appliquer leur programme politique devant tant de sang versé et tant de colère accumulée depuis des décennies de gabegie et de despotisme.

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Je ne suis pas partisan de l’explication eschatologique de l’histoire, mais je ne peux croire qu’un gouvernement qui inaugure son règne par tant de sang versé puisse bénéficier de miséricorde et de bénédiction comme je ne peux croire que ceux qui soutiennent ce bain de sang puissent jouir en paix de la vie mondaine ou espérer un salut le Jour du Jugement dernier.

Le monde est en cours de changement, les méthodes classiques de gouvernement par l’intimidation et la répression ont épuisé leur énergie et leur stratagème.  l’histoire s’accélère au détriment des inerties léguées par la conjugaison de la décadence interne et de la colonisation externe.

Les musulmans sont condamnés  fatalement à réviser leur culture partisane et à repositionner leur curseur idéologique. Le sang des musulmans ne doit pas être versé en vain, le temps des musulmans ne doit pas être gaspillé dans les futilités, le territoire des musulmans doit être préservé des prédateurs locaux et internationaux. Le sang versé  nous indique la voie du devoir si nous voulons prétendre à un quelconque devenir dans la dignité et la prospérité : l’unité.

Au lieu de dilapider notre temps à chercher les compatibilités et les incompatibilités entre Islam et démocratie, entre civils et militaires, entre obéissance et sédition, entre califat et théocratie,  il est temps plus que jamais de faire de l’édification de l’Etat de droit et de l’émergence du musulman citoyen une priorité qui préserve sa vie, sa liberté et sa dignité sans lesquelles son islamité n’est qu’une vue tronquée de l’esprit ou un débordement affectif…

Il ne s’agit pas de chanter une révolution improvisée, de la confisquer ou de la continuer pour se retrouver, une fois de plus, dépouillé et trahi.  Il s’agit de tisser le lien social et de fédérer  toutes les forces de résistance contre l’injustice et l’oppression. Il s’agit de l’unité autour des valeurs :  partager  la  foi sinon  refuser ensemble  l’autocratie

{Dis : ô Gens du Livre, élevez-vous à  une parole normative entre vous et nous. Nous n’adorons qu’Allah et nul d’entre nous ne prendra l’autre comme maître}

Pour l’instant il faut se rassembler et dire non à ceux qui veulent jouer au maître et  faire verser le sang des musulmans.  Le coup d’Etat et l’effusion de sang dans le monde arabe ne doivent pas être une fatalité. Il faut garder le cap celui de la lutte entre deux projets de civilisation, l’un en voie d’achèvement de son histoire et l’autre en voie de renaissance. Les Frères musulmans ne sont ni le monopole ni l’idéal dans ce projet de renaissance, mais ils en font partie car ce projet est inachevée, en ébullition, en quête d’unité et de méthodologie.

Je ne peux lire les événements comme une lutte de classes, une lutte entre laïcs et islamistes,  une lutte entre impérialistes et libérateurs, une lutte de pouvoir même si partiellement on y retrouve quelques ingrédient et quelques motivations. Ces lectures simplistes et réductrices cachent les enjeux civilisationnels que l’histoire est entrain de déployer.  Les pays arabes et musulmans sont en train de s’effondrer politiquement, socialement, économiquement, moralement et idéologiquement afin de repousser l’échéance de leur éveil et de leur entrée de nouveau dans l’histoire avant la fin de l’Histoire.

Les salafistes   infantiles et  formalistes reprochent aux Frères Musulmans de ne pas respecter les conditions du Tamkine en faisant de la politique partisane. C’est une vérité qui devient mensonge et diversion, car elle vient à un moment où la priorité et la justice commandent de dire ou de  montrer comment  les conditions et les possibilités du Tamkine sont sapées par les vassaux de la civilisation occidentale et sont fragilisées par les discours sectaires et les comportements irresponsables des imposteurs de l’Islam qui ont accaparé les tribunes pour détourner les musulmans de  leur vocation et de  leurs missions :

{Ils ne se sont divisés, s’acharnant les uns contre les autres, qu’après que la science leur eut été donnée. Si une sentence de ton Seigneur n’avait pas déjà fixé un terme irrévocable, leurs différends auraient été réglés.} 

Il y a une grande différence entre ceux qui refusent de voir la dynamique d’éveil islamique se transformer en clocher partisan et politicien et ceux qui veulent interdire  la voix (voie) de l’Islam et qui se réjouissent de l’échec de l’Islam politique alors qu’ils sont ignorants de l’Islam et des aspirations des musulmans se contentant de reproduire le discours des années cinquante tout en s’intégrant dans le marché mondial. Il y a aussi une différence entre celui qui convoite le pouvoir croyant – ainsi parvenir à œuvrer pour la gloire de l’Islam et le bien des musulmans – et celui qui destitue un gouvernant légitime. Il est regrettable d’oublier que le Prophète (saws) a interdit d’entrer en sédition contre le gouvernant. Morsi a été élu comme président et à ce titre il doit être traité comme tel, même si la critique contre son programme social et  économique est légitime. Tolérer ou trouver excuse à sa destitution est une atteinte à la religion,  à la raison humaine et à la stabilité politique de l’Egypte.

Les nuances et les exigences historiques ne semblent pas faire partie de la culture des apologues de la servitude et de l’auxiliariat. Il ne s’agit pas seulement de se libérer de la dictature de quelques généraux, mais de se libérer du système qui produit de la dictature pour le compte  d’un autre projet de civilisation que celui auquel est destiné le monde arabe :

« Le perdant est celui qui a échangé son Paradis contre la vie ici-bas, mais le plus perdant est celui qui a échangé son Paradis pour la vie ici-bas d’autrui »

Il ne s’agit pas de prendre les armes ni de conduire les musulmans à la guerre civile comme cela a été fait en Libye et en Syrie, mais de triompher des causes de l’injustice, de la transgression et de l’agression et de surmonter les contentieux :

Dans la sourate la Choura qu’on pourrait traduire par démocratie islamique, consultation ou concertation nous avons une solution aux problèmes que les bigots et les libéraux ne veulent pas voir :

{Tout ce qui vous a été donné n’est que jouissance de la vie de ce monde. Mais ce qui se trouve auprès de Dieu est meilleur et plus durable, pour ceux qui croient et s’en remettent à leur Seigneur} As Choura 42

Allah (swt) a qualifié ceux qui croient et s’en remettent à Lui par trois qualificatifs :

– le premier qualificatif est d’ordre comportemental et moral :

{ceux qui évitent les péchés graves et les turpitudes, et qui pardonnent après s’être mis en colère} As Choura 37

– le second qualificatif est d’ordre praxique incluant tout ce qui donne vie, cohésion  et stabilité à la cité sur le plan religieux, social et politique :

{ceux qui répondent aux exhortations de leur Seigneur, s’acquittent de la prière, se consultent réciproquement au sujet de leurs affaires et dépensent [en aumônes] une partie de ce que Nous leur avons accordé} As Choura 38

– le troisième qualificatif est la résistance globale contre l’oppresseur et l’agresseur pour défendre sa patrie, sa religion, sa liberté et sa dignité :

{ceux qui, si violence leur est faite injustement, triomphent.}  As Choura 39

L’excellence est dans la réconciliation. Il ne peut y avoir réconciliation sans désir réciproque de se réconcilier, sans pardon de l’opprimé et sans réparation équitable par l’oppresseur. Seule la justice peut réparer durablement :

{La sanction pour un tort subi est un tort identique ; mais pour celui qui pardonne et se réconcilie, sa récompense est auprès de Dieu, car Dieu n’aime pas les iniques.} As Choura 40

La concision et la force de structuration de l’énoncé coranique mettent en évidence le rapport indissociable entre la justice et la Choura qui consiste à consulter les gens et à les faire participer aux affaires de la Cité. Ni les militaires, ni les salafistes ni les prétendus démocrates n’ont l’intention de donner crédit et voix aux populations musulmanes chacun se croyant le dépositaire exclusif du savoir, de l’autorité et du progrès faisant fi du sang qu’ils font verser ou qu’ils appellent à verser.

Si nous ne sommes pas capable de voir l’injustice et l’iniquité dans un coup d’Etat ni  l’horreur dans la répression sanglante, ni le déni de démocratie,  alors il ne faut  espérer ni la réconciliation entre les hommes ni l’amour de Dieu.

Omar MAZRIwww.liberation-opprimes.net

Rédaction

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