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jeudi 25 avril, 2024

La Turquie membre discret de la coalition contre l’Etat islamique

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* La Turquie veut protéger ses otages en Irak

* Elle devrait avoir un rôle à part dans la coalition

* Centré sur le blocage des candidats au djihad en Syrie

La Turquie risque d’avoir du mal à assumer un rôle public dans la coalition mise en place par les Etats-Unis pour lutter contre l’Etat islamique, compte tenu de la cinquantaine d’otages turcs détenus en Irak par l’organisation djihadiste. Membre de l’Otan depuis 1952, la Turquie est le seul pays musulman dans la coalition des dix pays qui ont décidé de se battre contre les ultra-radicaux sunnites de l’Etat islamique (EI) et dont les noms ont été révélés vendredi au sommet de l’Otan à Newport, au Pays-de-Galles.

L’EI détient en otage 46 ressortissants turcs en Irak, parmi lesquels des diplomates capturés lors de la prise du consulat de Turquie à Mossoul quand les djihadistes se sont emparés de la ville en juin.

« Tout le monde comprend que les Turcs sont dans une catégorie spéciale », déclare un responsable américain sous le sceau de l’anonymat. « La Turquie fera partie de la coalition mais qu’est-ce que cela signifie ? Cela ne coûte pas grand chose de mettre son drapeau sur le mur. »

Pour tenir compte de la situation délicate de la Turquie, Washington souhaite qu’Ankara travaille à endiguer le flot de musulmans étrangers, en provenance notamment des Etats-Unis et d’Europe occidentale, qui traversent son territoire pour aller combattre en Syrie, déclare un deuxième responsable américain.

Le message a été transmis diplomatiquement vendredi par Barack Obama au sommet de l’Otan où il a rencontré le nouveau président turc Recep Tayyip Erdogan.

Encore du travail

« Je veux exprimer ma reconnaissance pour la coopération entre les Etats-Unis et la Turquie, aussi bien entre les services de défense que de renseignements, en ce qui concerne le traitement de la question des combattants étrangers, un domaine où il y a encore du travail à faire », a déclaré le président des Etats-Unis.

Le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel devrait abonder dans ce sens lors d’un déplacement en Turquie la semaine prochaine. La Turquie a expliqué avoir établi une liste d’interdiction d’entrée sur son territoire concernant 6.000 personnes soupçonnées de vouloir rejoindre « les extrémistes en Syrie », à partir des informations données par les services de renseignements étrangers.

« La question des combattants étrangers est bien connue. C’est un problème. (…) », commente le second responsable américain.

« C’est bien sûr une chose pour laquelle nous voudrions avoir de l’aide de la Turquie. »

Le dilemme turc illustre la difficulté à mettre sur pied une coalition entre Etats aux intérêts très différents à laquelle est confrontée le chef de la diplomatie américaine John Kerry, attendu également au Proche-Orient la semaine prochaine. Reflet de la sensibilité de cette question en Turquie, les autorités turques ne manquent pas de souligner en privé qu’aucun des avions américains ayant attaqué l’Irak depuis le début des frappes américaines en août ne venait de la base aérienne d’Incirlik dans le sud de la Turquie.

La Turquie, estime Henri Barkey, professeur à l’université de Lehigh et ancien membre du département d’Etat, n’autorisera pas l’utilisation de la base d’Incirlik pour des frappes aériennes visant à tuer.

Un message aux turcs

« L’exécution de Foley était un message, pas seulement pour nous, mais aussi pour les Turcs« , ajoute-t-il, en référence à une vidéo diffusée le 19 août par l’EI qui montrait un bourreau masqué en train de décapiter le journaliste américain James Foley. Une vidéo montrant l’exécution d’un deuxième journaliste, l’Israélo-Américain Steven Sotloff, a été rendue publique mardi. Tout en soulignant son engagement dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, le gouvernement turc ne veut pas mettre en danger la vie de ses concitoyens.

« Nous sommes un allié de l’Otan. Nous partageons les mêmes principes et valeur que l’Occident. Mais nous avons nos 46 otages », commente un responsable turc sous le sceau de l’anonymat.

« Ils sont paralysés », dit un diplomate occidental à Ankara. « Ils ne peuvent pas, c’est compréhensible, signer avec enthousiasme pour une action militaire. Je suis sûr qu’en privé ils la soutiennent mais ils (…) n’ont pas le sentiment de pouvoir en convenir en public. »

Selon le général américain à la retraite David Barno, la Turquie pourrait aider en coulisses en autorisant des avions de reconnaissance et des drones à opérer à partir de son territoire. « Il est plus probable qu’elle souhaite utiliser ces bases pour des activités ne visant pas à tuer (…) par opposition à des avions transportant des bombes », estime David Barno, qui travaille aujourd’hui pour le cercle de réflexion Center for a New American Security à Washington.

Par ailleurs, pour se laisser entraîner dans une éventuelle traque de l’EI en Syrie, les pays comme la Turquie, l’Arabie saoudite ou la Jordanie vont sans doute d’abord devoir être convaincus de la volonté des Etats-Unis de rester dans la région malgré la réticence de Barack Obama à s’impliquer dans une nouvelle guerre dans la région.

« Quiconque est prêt à réfléchir sérieusement et à finalement accepter de participer à une coalition, devra être tout à fait convaincu par le président des Etats-Unis que les Etats-Unis sont là sur la durée« , déclare Fred Hof, ancien spécialiste de la Syrie pour le département d’Etat.

(Avec Mark Hosenball et Phil Stewart à Washington et Nick Tattersall et Jonny Hogg à Ankara; Danielle Rouquié pour le service français)

Arshad Mohammed WASHINGTON, 6 septembre (Reuters)

Rédaction

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