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samedi 20 avril, 2024

Oumma Wasstà : communauté de rayonnement !

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Le terme coranique Wasstà (Partie 2/2)

Lire la partie 1/2 : Wassatiya : communauté du juste milieu ?

Le terme Wasstà est un terme coranique qui pose le clivage entre communautés humaines sur la base de la foi agissante : monothéisme et œuvre de bien d’un côté et culture mécréante et impériale de l’autre. Il ne s’agit pas de la Wassatiya comprise comme juste milieu entre des contradictions ou des confusions.

Nous ne pouvons comprendre le sens véritable de ce mot et tout particulièrement dans son contexte moderne que par le respect de la méthodologie de lecture du Coran en l’occurrence  le Tartil et le Taddabbur. Le Tartil  n’est pas seulement la psalmodie musicale du Coran, mais la lecture attentive et méditative qui prend l’énoncé coranique comme un convoi de sens, un cortège de paraboles, un défilé de récits se suivant les uns les autres et s’auto expliquant. Le Taddabbur c’est de chercher le sens en cherchant à comprendre l’amont de l’énoncé et à découvrir les liaisons de sens permettant de faire sortir le véritable sens qui aurait pu ne pas être apparent si le terme ou l’énoncé était pris comme un isolat lexical ou sémantique . De la même manière qu’on lit une carte en la déployant,  en comparant le relief, en suivant les réseaux, en faisant des agrandissements ou des réductions d’échelles nous lisons l’énoncé coranique comme une topographie permettant de situer le récit et le sens.

Ainsi le terme Wassata :

{Nous avons fait de vous une communauté du « juste milieu »} Al Baqara 143

S’inscrit dans une succession d’énoncés qui font référence à Ibrahim (as) et à sa milla (confession), à la Sibghat Allah (couleur d’Allah) nous permettant ainsi de comprendre que le Wassat signifie l’adoption de l’Islam dans son caractère universel de Dine d’Allah pour l’humanité. Cette succession d’énoncés met en valeur la vocation cardinale du musulman : le témoignage. Cette succession d’énoncés met en exergue le véritable clivage entre monothéisme et polythéisme. Cette succession d’énoncés montre des communautés se réclamant des Prophètes alors qu’elles transgressent la conduite de ces Prophètes. La communauté Wassat est celle qui se conforme à la voix prophétique. Les Prophètes ont appelé à l’adoration d’Allah (swt), à la fédération d’une communauté œuvrant pour la foi et pour le bien. Les Prophètes n’ont pas revendiqué le pouvoir. Les Prophètes et les communautés qui ont bénéficié du pouvoir ne l’ont obtenu que comme un don divin qui vient récompenser les uns devenus héritiers des civilisations anéanties ou qui vient soumettre les autres à l’épreuve de l’existence et de la gouvernance.

Nous pouvons commencer la lecture avant ou à partir de cet énoncé :

{Les Juifs ont dit : « Les Nazaréens ne tiennent sur rien », et les Nazaréens ont dit : « Les Juifs ne tiennent sur rien », et ils récitent le Livre! Ainsi ceux qui ne savent pas disent aussi les mêmes paroles. Mais Allah tranchera alors entre eux, le Jour de la Résurrection, sur ce dont ils divergeaient.} Al Baqarah  113

Puis l’achever après ou juste après  cet énoncé

{Nous vous avons envoyé un Messager de parmi vous, vous réciter Nos Ayats, vous épurer, vous apprendre le Livre et le sens, et vous apprendre ce que vous ne saviez pas, de même, évoquez mon Nom, Je vous garderai; soyez reconnaissants envers Moi et ne mécroyez point. O vous qui êtes devenus croyants , ayez recours à la persévérance et à la prière. Certes, Allah est avec les persévérants.} Al Baqarah  151

Le terme coranique du Wassat appelle donc à l’universel de l’Islam et à la voix immuable des Prophètes alors que le terme qaradhawien de la wassatiya appelle au confinement dans les frontières mentales, sociales et historiques léguées par le colonialisme et par la pensée héritée de la décadence musulmane avec ses déchirements partisans et sectaires. Cet héritage ne parvient toujours pas à se hisser au niveau de l’Islam en se débarrassant de l’esprit d’errance et d’isolement. Cette pensée stérile ne parvient pas à s’inscrire dans un projet de civilisation ou dans une alternative à l’Empire. Et pourtant le Coran fixe le curseur idéologique et les enjeux stratégiques qui nous  permettent de voir les clivages principaux :

{Et ils disent : « Soyez juifs ou nazaréens, vous serez guidés ». Dis : « Bien au contraire : la confession d’Abraham, pur monothéiste, et qui ne fut point du nombre des polythéistes ».

Dites : « Nous sommes devenus croyants en Allah, en ce qui nous a été révélé, et en ce qui a été révélé à Abraham, à  Ismaël, à Isaac, à Jacob, aux Tribus, et en ce qui a été révélé à Moïse, à Jésus, et en ce qui a été révélé aux Prophètes par leur Dieu. Nous ne faisons de distinction entre aucun d’entre eux et nous nous remettons à Lui ».

S’ils croient en cela même que vous croyez, ils se sont effectivement bien guidés, et s’ils s’en détournent, c’est qu’ils sont en schisme. Certainement Allah sûrement te Prémunira contre eux, car Il est L’Omniaudient, L’Omniscient.} Al Baqarah 135 à 137

Quelle est notre voie : contre ceux qui ont la même Qibla que nous ou contre ceux qui luttent contre notre foi et qui convoitent nos territoires et nos ressources au détriment de notre existence et de notre dignité ?

{De même, Nous avons fait  de vous une Communauté du centre afin que vous portiez témoignage auprès des hommes, et que le Messager vous soit témoin. Nous n’Avions établi la Qibla vers laquelle tu t’orientais que pour voir qui suit le Messager de celui qui retourne sur ses pas, bien que ce soit une lourde obligation, sauf pour ceux qu’Allah A Guidés. Il n’est pas de mise qu’Il vous Fasse perdre votre Foi : Certes, Allah Est sûrement Compatissant, Miséricordieux, envers les hommes.

Nous te Voyons vraiment chercher du visage dans le ciel. Nous t’Orienterons vers une Qibla qui t’agrée : tourne ton visage vers la Mosquée Sacrée. Et où que vous soyez, tournez vos visages vers sa direction : Certes, ceux à qui le Livre a été Révélé savent bien que c’est la Vérité venue de leur Dieu, et Allah n’Est point Inattentif à ce qu’ils font.

Et même si tu produisais tout miracle, à ceux qui reçurent le Livre, ils ne suivront pas ta Qibla et tu ne suivras pas leur Qibla, ni certains d’entre eux ne suivront la Qibla des autres. Et si jamais tu suis leurs passions, à partir de ce qui t’a été donné de la Science, tu seras sûrement du nombre des injustes.} Al Baqarah 143 à 145

Est-ce-que notre véritable problème ne consiste-t-il  pas à ce que nous soyons devenus des  insensés incapables de savoir que nous sommes atteint d’insenséïsme. Est-il sensé d’être  incapables de discerner nos agresseurs de ceux qui suivent la même Qibla que nous :

{Les insensés d’entre les gens diront : « Qu’est-ce qui les a détournés de leur Qibla vers laquelle  ils s’orientaient ? » Dis : « A Allah appartiennent le levant et le ponant, Il Guide qui Il Veut vers un chemin de rectitude ».} Al Baqara 142

N’est-il pas urgent de chercher le dénominateur commun pour fédérer nos peuples et canaliser nos ressources et nos énergies vers ce qui est le plus efficace et le plus sensé. Allah(swt) accorde le pouvoir à celui qui obéit à Ses ordres et à ceux de son Prophète et qui œuvre pour la cohésion de la communauté et la réforme des mœurs sans viser autre chose que plaire à Allah :

{Leur Prophète leur dit : « Allah vous A Envoyé Saül comme roi ». Ils dirent : « Comment donc peut-il avoir le pouvoir sur nous, alors que nous avons plus de droits que lui au pouvoir, et qu’il n’a même pas l’avantage de la fortune ? Il dit : « Allah l’a élu sur vous et l’a favorisé d’une une étendue de science et de vigueur ». Allah Accorde Son Pouvoir à qui Il Veut.} Al Baqara 247

Le critère islamique n’est pas dans la prétention diabolique à dire je suis mieux que lui donc je mérite sa place, attitude qui ouvre le chemin vers la convoitise et la spoliation des droits d’autrui, mais à agir au mieux en accomplissant son devoir tout en escomptant d’Allah le salut et la récompense. La première chose que le Musulman apprend est la malédiction pour cette  prétention de Satan, créé de feu, à se croire meilleur que Adam (as), créé d’argile puante.

Les textes sont clairs et il appartient aux partisans de la sédition et de la licité  de verser le sang des musulmans pour changer les régimes à n’importe quel prix et puis se trouver dans l’incapacité de gouverner faute d’encadrement et de vision stratégique d’apporter leurs arguments. Je ne suis  ni dans le camp du pouvoir ni dans celui des opposants, je ne fais qu’apporter la détraction à ceux qui parlent au nom de l’Islam et dégager ma responsabilité sur l’effusion de sang qui ne semble pas s’arrêter.

Wastà et l’universel 

Lorsque le musulman lit le Coran et lit le monde, il ne doit pas perdre de vue que les phénomènes physiques, historiques et sociaux à l’instar du texte coranique sont des Signes d’Allah (swt) par lesquels Il manifeste Sa Présence, Sa Justice et Son Ordre. Le long énoncé coranique qui définit, institue et configure le sens et les dimensions de la Oumma wassata est une référence à l’universel dans lequel nous devons nous insérer et nous inspirer si nous voulons que nos pensées et nos actions soient sensées et efficaces :

{Il y a certes dans la création des Cieux et de la terre, dans l’alternance de la nuit et du jour, dans les navires qui voguent sur la mer avec ce qui est profitable aux hommes, dans ce qu’Allah a fait descendre comme eau, du ciel, avec laquelle Il a ranimé la terre après sa mort et y a insufflé de tout être vivant, et dans les effets des vents et les nuages assujettis entre le ciel et la terre, des Signes pour des gens qui raisonnent.} Al Baqara 164

L’universel, la connaissance de ses lois et le devoir de porter l’ultime Message de l’Ultime Prophète à l’humanité plurielle nous obligent à sortir de nos étroitesses de vues et de pensées.

a-  Nous devons garder en vue que jamais Allah ne donnera le pouvoir à celui qui le convoite :

  {Et lorsque Nous avons conclu Alliance avec vous : « Ne répandez pas votre sang, ne vous expulsez pas les uns les autres de vos demeures », vous y avez souscrit en apportant votre témoignage. Puis, voilà que vous vous entre-tuez, vous expulsez un groupe d’entre vous de leurs demeures, vous vous liguez contre eux par la transgression et l’agression; et s’ils vous échoient en captifs, vous les rançonnez, alors qu’il vous est interdit de les expulser. Croirez-vous donc en une partie du Livre et rejetterez-vous en une partie ?} Al Baqara  84 à 86

b-  Je ne peux prétendre connaitre le dessein d’Allah, mais Allah n’accorde le pouvoir, pour qu’il soit exercé à Son Nom, qu’à ceux qui sont préparés à gouverner non en son nom, mais selon ses principes en l’occurrence faire régner l’ordre, la justice, la paix et la cohésion sociale. L’énoncé coranique dans lequel est insérée la communauté Wassat cite des Prophètes qui n’ont ni exercé le pouvoir ni revendiqué le pouvoir. Cet énoncé ne pose pas l’équation humaine ou musulmane en termes de pouvoirs politiques, mais en termes d’universel qui concerne tout le monde et toutes les activités humaines :

 {A chacun une direction vers laquelle il se dirige. Concourez donc en œuvres de bienfaisance} Al Baqara  148

c-  Il ne peut y avoir d’universel, d’humanité ou d’islamité si l’amour mondain est plus fort que l’amour de la vérité  ou si la dévotion à un Cheikh, à un parti ou à une idée est plus intense que l’amour d’Allah :

{Il est parmi les hommes ceux qui adoptent, à l’exclusion d’Allah, des émules qu’ils aiment comme l’amour d’Allah, mais ceux qui croient sont plus ardents dans l’amour d’Allah.} Al Baqara  148

d-  Peut-on raisonnablement croire qu’il suffit de se réclamer de l’Islam et de s’appuyer sur des crédules pour gouverner avec aisance alors que l’époque est celle de la globalisation exigeant une démarche globale et complexe faisant appel à toutes les compétences et à toutes les expériences. L’État confisqué par les maffias arabes s’est entouré de médiocres sur la base du clientélisme et de la cooptation. Les partis dits islamiques, sans expérience de gouvernance,  sans alliés stratégiques  et sans ressources se permettent le luxe insensé de ne pas faire appel aux compétences de la communauté sous prétexte que ces compétences ne partagent pas leur vision ( ?). Nous avons vu que contrairement à la vision aveugle des islamistes, l’énoncé coranique sur la Oumma wassat déroule  l’histoire, sa dynamique et ses conséquences :

{Cette communauté-là a disparu. Elle a ses acquis et vous avez vos acquis; et vous n’aurez pas à répondre de ce qu’ils faisaient.} Al Baqarah 134

{Dites : « Nous sommes devenus croyants en Allah, en ce qui nous a été révélé, et en ce qui a été révélé à Abraham, à  Ismaël, à Isaac, à Jacob, aux Tribus, et en ce qui a été révélé à Moïse, à Jésus, et en ce qui a été révélé aux Prophètes par leur Dieu. Nous ne faisons de distinction entre aucun d’entre eux et nous nous remettons à Lui ».} Al Baqarah 136

{Cette Communauté-là a disparu. Elle a ses acquis et vous avez vos acquis, et vous n’aurez pas à répondre de ce qu’ils faisaient.} Al Baqarah 141

e-   Agir et laisser les actes témoigner. Depuis leur arrivée au pouvoir les Frères Musulmans comme les dirigeants du FIS avant leur triomphe électoral ont continué d’escamoter les mesures sociales et économiques leur préférant la rhétorique facile et irresponsable. Le FMI, la dette, l’investissement, le marché, la monnaie, l’économique, les ressources stratégiques, les besoins et les attentes du peuple sont relégués au profit d’un discours partisan. Le Prophète (saws) avait pourtant fait de la subsistance, de l’édification,  du plein emploi, de la scolarité, de l’assainissement urbain et de la libération du marché du monopole financier des Juifs une priorité et un destin qu’il a accompli en peu de temps. L’énoncé coranique sur la Oumma Wassat montre les mesures qui donnent vitalité à cette communauté et à cette « wassatiya » :

{O Hommes ! Mangez de ce qu’il y a sur la terre de licite et de bon, et ne suivez point les pas de Satan : il est pour vous un ennemi évident.} Al Baqarah 168

Au nom d’Allah (swt), de Mohamed (saws) et de l’Islam non seulement les charlatans fuient leurs responsabilités, mais ils continuent de tourner le dos à la réalité amère qu’ils ont fabriquée : les tués sans raison, les orphelins, les invalides, les déscolarisés, les prostitués, les affamés, les sans-logis, les sans-patrie par dizaine de milliers en Syrie. Les Palestiniens en première ligne dans la résistance contre l’Empire et le sionisme sont oubliés et trahis.

Est-ce que c’est ainsi que doit se comporter la Oumma se réclamant du Wassatà

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{Nous avons fait de vous une communauté du « juste milieu »} Al Baqara 143

 

Quel est le sens coranique du Wassat ?

Les énoncés coraniques évidents qui se suivent mettent en exergue le caractère universel de l’Islam dans la succession des Prophètes dans l’humanité,  dans ses valeurs immuables inscrites l’histoire des hommes et dans la confrontation de ses hommes, dans la vocation globale des Musulmans à témoigner de la vérité et de la vertu contre les oppresseurs par amour d’Allah à l’instar d’Ibrahim, de Moïse et du Messie qui ont vécu confrontés à la puissance impériale et à l’idolâtrie.  Mohamed (saws) est l’ultime Prophète, il nous a tracé le chemin : la lutte contre les empires agresseurs. La oumma Wassat est cette continuité historique et civilisationnelle de la vocation de l’Islam qu’Ibrahim a transmis à Mohamed (saws) :

{Et lorsque Abraham élevait les assises de la Maison ainsi qu’Ismaël : « Notre Dieu, Agrée de nous, Tu Es Toi L’Omni-Audient, Le Tout-Scient ; notre Dieu, Fais que nous nous remettions à Toi, et de  notre descendance : un peuple qui Te soit musulman. Montre-nous nos rites, Fais-nous Rémission, Tu Es Toi Le Rémissif, Le Miséricordieux ; notre Dieu, et envoie-leur un Messager d’entre eux, qui leur récite Tes Signes, qui leur apprenne le Livre et le Sens, et qui les épure. Tu es Toi L’Invincible, Le Sage ».} Al Baqarah 127 à 129

Ou bien nous sommes la réponse d’Ibrahim(as), la communauté de réponse à Mohamed (saws), la communauté de continuité des Prophètes, ou bien  nous sommes des insensés. Insensés ou sensés nous ne sommes pas à l’abri de l’épreuve à laquelle est soumise l’humanité pour distinguer le bon du mauvais, le juste de l’injuste, le vertueux du vicieux, l’endurant de l’empressé désespéré :

{Certes, Nous vous éprouvons,  de temps à autre, par la peur, la faim, et la perte dans les biens, les personnes et les récoltes. Mais annonce une bonne nouvelle aux persévérants} Al Baqarah 155

La communauté Wassat est une fratrie de foi vivante. Elle vit et surmonte les épreuves avec une finalité suprême : rencontrer Allah (swt) après avoir accompli son devoir de faire le bien et sa vocation de témoigner. Il s’agit de vivre comme moteur de l’histoire humaine et non comme parasite ou comme marginal ou comme un intrus provoquant corruption, désordre et effusion de sang. Bien entendu l’idée de juste milieu telle que nous la racontent Qaradhawi et les traducteurs du Coran est en deçà du sens coranique.

Suivons les linguistes arabes qui font  la différence entre Wastà et moutawassita

الوسطى #  المتوسطة

Al moustawassita signifie médiane, milieu, moyenne, intermédiaire entre deux entités. Wastà signifie vertueuse, meilleure, excellente au-dessus des autres. Dans le premier cas nous sommes dans un alignement, dans le second cas nous sommes dans une élévation, une aspiration. C’est exactement le sens et le contenu du Coran lorsqu’il qualifie la communauté musulmane de Wasstà. Elle est au-dessus des contingences, des petitesses et des arrangements conjoncturels par sa référence invariable à la Transcendance. Elle est meilleure, elle est élue par la qualité de ses œuvres, la qualité de sa foi, la qualité de son engagement et par sa conformité stricte au sens véhiculé par le terme « Musulman » qui a été porté par tous les Prophètes et tous les Croyants. Toute dérive religieuse, idéologique et culturelle qui met la communauté musulmane dans la même impasse que celle empruntée par les Juifs et les Chrétiens la fait sortir du critère d’évaluation coranique de Wassat ou Wastà :

{Et ils disent : « Soyez juifs ou nazaréens, vous serez guidés ». Dis : « Bien au contraire : la confession d’Abraham, pur monothéiste, et qui ne fut point du nombre des polythéistes ». Dites : « Nous sommes devenus croyants en Allah, en ce qui nous a été révélé, et en ce qui a été révélé à Abraham, à  Ismaël, à Isaac, à Jacob, aux Tribus, et en ce qui a été révélé à Moïse, à Jésus, et en ce qui a été révélé aux Prophètes par leur Dieu. Nous ne faisons de distinction entre aucun d’entre eux et nous nous remettons à Lui ». S’ils croient en cela même que vous croyez, ils se sont effectivement bien guidés, et s’ils s’en détournent, c’est qu’ils sont en schisme} Al Baqarah 135 à 137

Sur le plan sémantique et logique on ne peut concevoir que l’énoncé coranique puisse situer la communauté musulmane comme une communauté médiane se situant au milieu d’un schisme religieux, doctrinal ou idéologique à moins qu’elle n’ait perdu ses repères et ses références. Il ne s’agit pas d’un schisme entre Sunnites et Chiites mais d’un schisme sur le credo de la foi, sur la Qibla, sur la vérité ultime du Jugement dernier, sur la vocation des Prophètes.

Sur le plan historique et civilisationnel, on ne peut déboiter l’énoncé et ses références à l’universel de la notion de centre de gravité que doit jouer la communauté de foi dans la guidance de l’humanité, dans la proposition de solutions. En effet le terme Wassat signifie aussi le centre. On dit Wassat al Madina pour désigner le centre-ville même si géographiquement cela n’est pas exact. Il s’agit du centre vital, du centre historique, du centre commercial, du centre urbain, du centre de l’animation, du centre d’attraction, du centre commercial, du centre administratif …

La notion de Wassat est conforme à la nature humaine et à ses quêtes de sens, de liberté, d’amour, de justice, de gloire, d’excellence… En effet, par son choix l’homme peut faire partie d’un mouvement centrifuge qui lui fait chercher son centre de gravité, lui fait trouver ses repères et lui donne cette compétence d’être une force d’attraction qui invite et attire vers lui les bonnes dispositions et les bons comportements ou qui ramène vers lui les conflits et les divergences pour les arbitrer, les aplanir, les régler :

{Il y a cependant, parmi ceux que Nous avons créés, une communauté dont les membres s’attachent à la vérité et jugent avec équité.} Al-A’raf 181

L’islam veut que la communauté de foi soit un pôle de rayonnement spirituel, mais aussi un poids géostratégique qui exerce une influence positive sur le monde et une force de coercition contre le mal et le blâmable :

{Puissiez-vous former une communauté qui prêche le bien, ordonne ce qui est convenable et interdise ce qui est répréhensible. Ce sont ceux qui agissent ainsi qui seront les bienheureux !} Al-’Imrane – 104

{Vous êtes la meilleure communauté qui n’ait jamais été donnée comme exemple aux hommes. En effet, vous recommandez le Bien, vous interdisez le Mal et vous croyez en Allah.} Al-i’Imran – 110.

{Nous avons fait de vous une Communauté du centre afin que vous portiez témoignage auprès des hommes (sur les hommes), et que le Messager vous soit témoin.} Al Baqara 143

Cette communauté n’est pas celle du  « juste milieu », mais celle de ce que la littérature moderne appelle l’avant-garde ou l’élite. Il ne s’agit pas du comportement élitiste ou élitaire du prétentieux et de l’arrogant, mais du don, du sacrifice, de l’offre, du dévouement. Les Prophètes ont ouvert les voies, ils ont surmonté les difficultés, ils ont donné leur vie au service de l’humanité. Bergers, artisans ou gouvernants, ils ont forgé des outils et édifié des communautés. Ils n’ont pas cherché le juste-milieu politicien, le centre tactique. Ils ont été avec ceux qui les ont accompagnés, des forces de répulsion contre le mal et des forces d’attraction du bien. Les mots ne sont pas un gargarisme bavard, mais un canevas d’idées, de comportements et ils doivent être précis et rapportés à leur contexte réel pour ne pas générer de la confusion.

Cette communauté centrale, de rayonnement, de centre de gravité, de foi, de vertu et d’action bienfaitrice ne peut être un électron libre que chacun impulse ou neutralise selon ses intérêts, mais une oumma al wassat, la communauté du centre de gravité qui pèse dans le déroulement de l’histoire. Il ne s’agit pas d’une masse bruyante, mais d’effort consciencieux, assidu et permanent à tous les niveaux et dans toutes les activités.

La notion d’universelle me semble plus pertinente dans une communauté se déployant comme un atome avec son noyau pesant et ses électrons pleins d’énergie gravitant autour sur des couches d’énergies que d’une vision linéaire d’un milieu entre des parties extrêmes. C’est aussi l’image  que nous avons des astres et des galaxies dans le ciel. La balance, elle-même n’est pas obligatoirement une chose linéaire avec un milieu ou une médiane.  Il est évident que la balance est davantage un principe dynamique qu’un instrument chosifié.

La communauté Wasstà ou wassata signifie bien cette force centrifuge qui doit caractériser la communauté musulmane  dans les attractions et les répulsions entre communautés. Elle devrait être le pivot sur lequel s’appuie toute l’humanité pour instaurer la justice et lutter contre l’injustice. Le wassat permet de bien situer la communauté musulmane sur le terrain qu’elle doit investir et sur lequel se fait la démarcation avec les autres communautés et sur lequel se fait la démarcation intellectuelle, politique et sociale en son sein. Ce terrain lorsqu’il est configuré par la foi, l’idée, le comportement, l’histoire et l’acte, il est forcément  celui de la civilisation. Il est particulièrement remarquable de voir la dynamique de l’émergence ou de l’anéantissement des civilisations. La succession des communautés, la succession des Prophètes et le rapport  de ces prophètes avec les civilisations de leur époque invite à voir la question de la communauté wasstà comme un pôle de rayonnement civilisationnel ou comme une alternative à la civilisation en voie de disparition. Il est difficile de voir dans ces références une quelconque crédibilité ou une quelconque validité à ces prétentions confrériques sectaires, du frérisme ou du salafisme,  qui se réclament davantage du maraboutisme politico-religieux et de l’errance socio culturelle que de la démarche. L’expérience vient de confirmer qu’ils ne peuvent pas répondre aux attentes, malgré qu’ils soient dans une posture messianique. Il leur manque non seulement le soutien populaire, mais il leur manque surtout la dimension prophétique qui leur fait voir la vocation de l’Islam et de la communauté centrale.

La symbolique Wasstà dans la Sourate Al Baqarah

Le terme coranique Wasstà se trouve au verset 143 de la sourate Al Baqarah qui comporte 286 versets. Nous ne sommes pas au milieu scriptural de l’énoncé, mais nous sommes au cœur du sens véhiculé par la première sourate du Coran. Cette architecture complexe avec ses signifiants en rhizome exclut la simplification de « juste milieu » qui vide le contenu de la vocation du musulman de toutes ses charges. Nous sommes au cœur du moteur de la foi, nous sommes au cœur du drame humain, nous sommes au cœur des préoccupations du musulman.

La sourate Al Baqara tire son nom de l’immolation d’une génisse dont un des quartiers devient un instrument par lequel Moïse, sur instruction divine, fait  ressusciter un homme assassiné afin qu’il renaisse et dévoile son assassin caché au milieu d’une communauté d’incrédules, de pervers et de transgresseurs. Le sens de la vie et de la mort, la résurrection après la mort, la foi vivifiée par les Prophètes face à la foi pétrifiée par les préjugés, mériter ou démériter l’élection divine selon ce qu’on fait de sa foi et de ce qu’on fait pour sa foi. La sourate al Baqarah construit la foi et l’enracine dans le profond du cœur pour devenir le moteur, le critère, la finalité de l’existence du croyant. La foi est le cœur de l’homme. La vertu est le cœur de la cité humaine. Le savant et les appareils religieux et politiques lorsqu’ils transgressent l’esprit et la lettre de l’enseignement véhiculés par la sourate Al Baqarah, ils deviennent des symboles de discorde et de confusion.

Procédons à une brève analyse lexicale des verbes Baqara et Abqara

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La sourate Al Baqara tire son nom du verbe arabe « BAQARA ». Il  signifie « creuser la terre et y  fouiller profondément et méticuleusement  ». Il signifie aussi immoler un animal et examiner ses entrailles comme le fait un chirurgien vétérinaire. Il s’agit de disséquer un corps et de chercher dans ses entrailles pour faire sortir à l’extérieur tout ce qui est dedans et ensuite l’exposer à la lumière du jour. Les Arabes désignent le savant de « Baqer » car « baqara al ‘Ilm » signifie se consacrer à la science d’une chose par la recherche minutieuse de ses signes, la quête de ses sources et la mise en évidence des faits, des lois et de leurs interactions. Encore une fois il s’agit de références au témoignage avisé et impartial qui ne doit  rien cacher ni rien ménager de l’effort à entreprendre pour puiser au fond des choses, des phénomènes, des problèmes, de l’histoire. Il est attendu de l’homme de foi la vigilance et l’examen attentif, afin d’extirper le mal à sa racine et de mettre en évidence la vérité même si elle est cachée au fond des fonds. Les démarches superficielles et intempestives compliquent l’accès à la vérité par leur capacité réductrice et simpliste des phénomènes ou par l’introduction de biais cognitifs ou de confusion sentimentale ou idéologique.

L’analyse lexicale nous met face à un autre signifiant qui ne contredit pas les sens de la sourate Al Baqara, mais vient les renforcer :

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Baqara signifie aussi s’exiler. La sourate Al Baqarah met en évidence toutes les idées, tous les comportements et tous les faits des Bani Israël présentés comme un spécimen réduit de l’humanité. Il nous invite à prendre pour modèle la vertu des Prophètes, et il nous ordonne de nous détourner des insensés, des pervers et des manipulateurs de la religion qui faisaient légion dans les Gens du Livre et en particulier chez les Descendants d’Israël et chez les Juifs. Il ne s’agit pas de chercher un hypothétique et improbable juste milieu entre des extrêmes et des transgressions, mais de chercher l’alternative quitte à s’exiler. Affronter idéologiquement et militairement le bloc représentant, dans les temps modernes,  le comportement dénoncé par le Coran à travers Bani Israël, exige un travail de reconnaissance, d’identification, d’analyse minutieuse. La rhétorique discursive ne suffit pas.  L’opinion personnelle qui se passe du Coran ou qui lui donne une autre lecture n’apporte que confusion dans le projet de renaissance de la communauté Wasstà.

Dans mes recherches je suis tombé sur une explication qui mérite le respect. Le frère palestinien Salah Eddine Ibn Ibrahim Abou Arafa fait le rapprochement entre Baqara (ou Aqbara) et Qabara (ou Aqbara) qui consiste à enterrer, à mettre sous tombe. Il s’agit donc de déterrer, de redonner vie, de faire resurgir ce qui a été enfouie, de redonner existence à a été occulté. Nous sommes dans le cœur de la Sourate al Baqara : redonner vie à la vérité, ressusciter la foi oubliée,  faire émerger de la torpeur de  l’humanité une communauté de vertu, dynamique et vivifiante.

En examinant toutes ces définitions et en les comparant au sens lexical, sémantique et symbolique, il me semble que le cœur du message coranique se focalise sur le verbe Baqara dans son rapport intrinsèque au témoignage que doit porter la communauté de foi aux autres communautés.  Les Bani Israël ont perdu l’excellence lorsque ils ont perdu le sens du témoignage. Le témoignage est vidé de sa valeur, de son contenu, de son impartialité et de son efficacité lorsque le témoin et le communicant perdent le sens de la vérité au profit de la confusion, de l’amalgame et de l’esprit partisan. Le témoin ne peut être écouté ou entendu s’il vit en marge de l’existence :

{Ne confondez pas le Vrai avec le faux, et ne taisez pas la Vérité alors que vous savez.} Al Baqarah 42

Bien entendu, je n’ai pas épuisé et je ne pourrais pas épuiser toutes les possibilités que permet la langue arabe. Bien entendu ma lecture reste imparfaite et limitée. Je peux me tromper. Je prends le risque de me tromper au lieu de garder le silence, car il y a une vocation que le Prophète (saws) a tracé et que nous semblons ignorer malgré que nous nous gargarisons de versets et de hadiths.

Conclusion

Le sujet n’est pas épuisé. Louange à Allah qui m’a permis de suivre quelques pistes et de les soumettre pour étude à ma communauté. Bien entendu les erreurs et les fautes dans ce texte sont imputables à moi-même.

Partie 1/2 – Wassatiya : communauté de juste milieu ?

Omar MAZRIliberation-opprimes.net

Rédaction

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