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vendredi 19 avril, 2024

Abd al Malik en métropole et Tintin au Congo !

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L’investissement français dans toutes les idéologies cherchant à transformer l’Islam pour le vider de sa substance est très évident. Cela passe par la promotion de prétendus intellectuels, imams et recteurs Béni oui-oui, jusqu’à certaines figures du monde « artistique », qui par leurs origines sociales et ethniques peuvent encore compléter cette stratégie en ciblant tout spécialement la jeunesse musulmane des quartiers dit « sensibles ».

livre-d-abd-al-malikNous avons dans ce dernier cas de figure, un véritable exemple académique avec le dénommé Abd el Malik, soufi et slameur. On savait que Rousseau avait contribué à développer le mythe du bon sauvage dans la littérature française, or son héritière directe, la France laïque et jacobine a retrouvé en Abd el Malik la rassurante figure banania du bon africain.

Le problème pour nous n’est pas tant qu’il est le représentant le plus symbolique du « traître social » comme l’ont dit certains. Car ayant selon eux « vendu le rap hardcore antiflic de la cité pour le flow policé du slam boboïsé » passant ainsi de la scène underground antiflic à la variété française version Pascal Sevran négrophilisée. En illustrant au passage, la trajectoire de la racaille karchérisée des cités dortoirs ne rêvant que d’intégrer le bling-bling du show bizz parisien.

Non, ce n’est absolument pas ceci qui nous importe, mais plutôt la teneur de son discours et de sa posture soi-disant islamique dans les débats sur la question de l’intégration des musulmans et de l’Islam en France. Qu’il intervienne en sa qualité de chanteur issu du prolétariat des HLM qui œuvre à divertir le-Tout-Paris est une chose : dés lors, il peut danser et chanter en tant que nouvelle Joséphine Baker ceinturé de banane aussi pourrie que consensuelle à défaut d’explosif intellectuel…

Mais le fait qu’il s’affiche dans le rôle du grand frère donneur de leçon façon TF1, et expert des questions liées à l’Islam en est une autre. Et si nous voulions être provocateurs, nous dirions que son acharnement à reproduire, comme un servile larbin digne de la case de l’oncle Tom, le discours stéréotypé sur l’Islam banlieusard, montre qu’il est le parfait « house negro » version française que nous avait déjà décrit notre prédécesseur Hajj Malik Shabbaz, plus connu sous le nom de Malcolm X : « Les nègres domestiques, ce sont ceux qui vivaient dans la maison du maître; ils étaient bien vêtus, ils mangeaient bien parce qu’ils mangeaient comme le maître, ce dont il ne voulait pas. Ils vivaient au grenier ou dans la cave, mais ils vivaient près du maître ; et ils aimaient le maître plus que le maître ne s’aimait lui-même. Si le maître disait : “Nous avons une belle maison”, le nègre domestique disait : “Ouais, nous avons une bonne maison.” Lorsque le maître disait « nous” il disait “nous”. C’est à cela que se reconnaît un nègre domestique… »

Ayant ensuite accompli son pèlerinage à Auschwitz dans l’euphorie du post-11 septembre, son opportunisme démagogique fut très largement récompensé. Adoubé par le monde du spectacle, il peut collectionner dès lors, autant les victoires de la musique que les invitations sur la scène télévisée, dont on ne se sait plus dire, si elle est artistique ou intellectuelle.

abd-al-malik-livre-flammarionAprès la « racaille sort un disque » c’est le zouave qui écrit un livre… Comme Abdennour Bidar avec « Self Islam », Abd el Malik est l’auteur d’une œuvre qui se veut autobiographique intitulé : « Qu’Allah bénisse la France ! »

Véritable nouvelle récitation du « nos ancêtres les gaulois » remastérisé, il démontre que pour exister médiatiquement il faut avoir assimilé parfaitement les leçons de l’intégration française à la sauce post coloniale. Et comme Abdelweheb Meddeb avant lui, il reproduit toute l’attitude méprisante à l’encontre des jeunes musulmans résistants et contestataires qui subissent de plein fouet la croisade intérieure laïco-jacobine : « Je remarquais aussi que bon nombre de mes aînés musulmans, pourtant bardés de diplômes, se métamorphosaient en abrutis lorsqu’on abordait la religion, comme si le simple fait d’évoquer l’islam inhibait toutes leurs capacités intellectuelles… »

Il faut dire qu’il s’est lancé dans l’écriture avec autant de talent qu’il en avait pour déblatérer ses prêches I-slamisées. Là encore, c’est le rôle du soufisme innovateur qui nous permet de comprendre toute la rhétorique du gentil africain néo-muz de service.

En mettant la laïcité en musique, peut-être que ces « bêtes » cher à Meddeb et ces « abrutis » d’Abd el Malik -assurément les mêmes- pourront l’accepter si ont la mettait tout simplement en musique :

« Après ça fallait qu’on montre aux yeux du monde que nous aussi nous n’étions que des hommes…Que s’il y avait des fous, la majorité d’entre nous ne mélangeait pas la politique avec la foi… »

« Ne pas mélanger la politique avec la foi » martelé près de cinq fois sans en être le refrain pourrait même passer pour une tentative de manipulation subliminale.

Dès lors, la foi soufie syncrétique d’Abd el Malik peut s’accommoder de n’importe quelle pouvoir temporel, car elle s’est vidée pour devenir un simple récipient pseudo-spirituel pouvant servir de contenant à n’importe quelle idéologie séculière, et surtout de celles qui dominent effectivement la temporalité. Avec cette originalité chez Abd el Malik, lorsque l’on remarque que sa vision de la foi « musulmane » est en adéquation avec la fonction sociale de sa musique : « Pour moi, le rap est la musique du 21e siècle. Elle est totalement en phase avec son époque. Même le gangsta rap, avec son consumérisme, sa misogynie et ainsi de suite, nous en apprend sur notre époque. Il ne faut pas s’arrêter à la pointe de l’iceberg. Il faut aussi prendre en compte sa facette conscientisée. »

malik_dernier_fr_1En effet, le rap consumériste et individualiste est à la subversion politique ce que le soufisme innovateur est à la spiritualité : une dégénérescence pathologique qui n’a pas d’autre but que d’être plaisant et conforme aux exigences du système Dominant. Cela dit, ce sont tous ces éléments qui nous expliquent et nous font comprendre pourquoi Abd el Malik peut stigmatiser le fait de faire de la politique dans une liaison avec l’Islam, mais aucunement quand il s’agit de prêcher ostensiblement pour la démocratie laïque…

Alors que s’il était réellement objectif ou cohérent avec certains de ses propos, soit il se serait abstenu de tout discours politisé, soit il ne refuserait pas ce droit aux autres.

Car quant à lui, ses prêches politiciens dépassent même le cadre national, étant donné qu’il est bien connu que lorsque la maison France brûle, c’est toujours ses pompiers-tirailleurs coloniaux que l’on envoie en première ligne éteindre l’incendie, en chantant un « c’est nous les africains… » remixé par son slam laïque. Il témoignait en effet : « Aujourd’hui, la France a une carte cruciale à jouer, en montrant au reste du monde comment elle va gérer la crise [Soulèvement des banlieues de 2004, NDA] grâce aux outils républicains, démocratiques, laïques, qu’elle a inventés. En novembre, j’ai été interviewé par de nombreux médias anglais et américains pour qui, unanimement, la révolte des banlieues est la preuve de l’échec du fameux modèle laïque des Français. Je leur dis : “Non, ce n’est pas parce que la personne qui tient l’outil est momentanément incompétente qu’il faut jeter l’outil. Il faut changer la personne, ou la former.” »

Pourtant les faits sont clairs, la France qui a -selon elle- les plus beaux, plus grands et profonds principes philosophiques politiques, est le pays occidental où justement les musulmans rencontrent le plus grand nombre de difficultés à surmonter (nous avons déjà vu pourquoi et comment). Pour un arriviste sur la scène intellectuelle comme Abd Al Malik on peut comprendre qu’il ait pu répéter bêtement le discours conformiste et avec son habituelle démagogie : « La France a toujours été précurseur. L’idée universaliste vient de chez nous… »

Avec plus de nuance et surtout plus d’études objectives, nous savons désormais pertinemment le contraire. Comme d’ailleurs tout honnête historien qui n’hésite pas à dire les vérités qui fâchent : « L’universalisme à la française est, historiquement, la source de discrimination »

Or si l’on rajoute à cela, les constatations d’un récent rapport de la French-American Foundation et de Sciences-Po certifiant : « Nos résultats soulignent donc une réalité dérangeante : dans la République française théoriquement laïque, les citoyens musulmans issus de l’immigration rencontrent, toutes choses égales par ailleurs, des obstacles à l’intégration par l’accès à l’emploi bien plus élevés que leurs homologues chrétiens. »

Comment expliquer la persistance de l’aveuglement d’Abd al Malik ? Peu importe, car quoiqu’il en soit, il va sans dire qu’en France, cette alliance stratégique entre soufisme innovateur et laïcité dogmatique rencontre en Abd el Malik un hôte particulièrement acharné et obstiné, envers et contre toute rationalité objective, à vouloir défendre un modèle archaïque, certainement le plus utopique du monde occidental.

Si nous nous intéressons à cette posture jusqu’au-boutiste d’Abd al Malik, celle qui consiste à ne vouloir voir dans cette France qui sent le brûlé qu’une simple défaillance humaine, notre analyse liant psychologie des origines ethniques et sociales, héritage coloniale, aliénation identitaire et ses nombreux complexes, ne pourra que nous faire rappeler ce discours de Malcolm X, extrêmement révélateur de cette maladive obstination : « Si la maison du maître brûlait, le nègre domestique combattait le feu avec plus d’énergie que le maître n’en mettait lui-même. Si le maître tombait malade, le nègre domestique disait : “Qu’y a-t-il, patron, nous sommes malade ? Nous sommes malades”. Il s’identifiait au maître plus que son maître ne s’identifiait à lui-même. Lorsqu’ils voient brûler la maison de ce blanc, vous n’entendez pas les petits noirs [pour Malcolm X, ceux qui ne font pas partie des house nigger, NDA] dire : “Notre gouvernement a des ennuis”, mais : “Le gouvernement ! ” J’en ai même entendu parler de “nos astronautes”, “notre marine de guerre !” Voilà un noir qui a perdu l’esprit. Tout comme le maître, en ce temps-là, se servait de Tom, le nègre domestique, pour maintenir les nègres des champs sous sa domination, le vieux maître se sert de nègres qui ne sont rien d’autre que les Oncle Tom du vingtième siècle, pour nous tenir en échec et nous garder en main, vous et moi, pour nous garder pacifiques et non-violents…»

Joignons pour accompagner ce percutant discours, un refrain très approprié d’Abd el Malik lui-même, qui sonne désormais très agréablement à nos oreilles : « Ça c’est du lourd…»

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En France, toutes ses prises de positions, ses paroles et actes, lui valent personnellement de rafler quantité de médailles et de distinctions qu’il peut fièrement épingler sur son burnous de tirailleur congolais pour service rendu à la mère patrie. Et après avoir obtenu de Juliette Gréco qu’elle fasse la préface de son dernier livre, il est probable qu’Abd el Malik suscite l’intérêt de Mylène Farmer ou Didier Barbelivien pour lui produire son prochain Album, et il pourra continuer à dire avec un grand sourire banania : «Ce que je fais finalement c’est être subversif à l’extrême…»

Et nous espérons que cet Omar Bongo national ne jouera plus de la confusion entre son slam soufi laïque et l’Islam avec sa spiritualité authentique.

Mais connaissant la nature de cette néo-religion et de son prosélytisme, nous ne faisons aucune illusion…

Aïssam Ait Yahya

Rédaction

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