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lundi 18 mars, 2024

Algérie : Compétence, Légitimité et Légalité

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Je ne sais pas si mon analyse anticipative du jeudi 28 sur le 29 mars a été objective avec une relative justesse. Je sais qu’elle m’a posé des problèmes de conscience : Et si je me trompais et je leurrais ceux qui faisaient confiance à mes évaluations depuis plus de 25 ans ? J’ai décidé donc de m’échapper de l’actualité directe et de continuer ma réflexion sur le changement en explicitant le lexique et les attendus du changement tel que je le perçois. Je voudrais évoquer la Compétence, la Légitimité et la Légalité. Je laisse la Démocratie, la Liberté et la République pour une autre fois.

De la compétence :

Competentia « proportion, juste rapport » sous entendant l’évaluation par rapport à des critères, des principes, des règles mathématiques (théorèmes), déontologique (devoirs de faire ou ne pas faire tel acte, règles morales et comportements requis dans les relations avec autrui) ou docimologique (notation, épreuve, validation des acquis, contrôle des connaissances, classement dans l’ordre du mérite). Utiliser le théorème de Thalès, par exemple, pour rapprocher et mesurer arithmétiquement ou philosophiquement le lointain par rapport au proche, le grand par rapport au petit, le compliqué par rapport au simple, est une compétence qui s’apprend et se transmet si on en fait usage non seulement dans la géométrie du collège, mais dans la topographie de la vie.

Competere au sens de « rechercher concurremment » au sens donc de concurrence.

Disposer d’une autorité ayant :

  • Aptitude à effectuer certains actes.
  • Capacité de porter un jugement de valeur.
  • Pouvoir d’attribuer des rôles, des fonctions, des titres, des rangs, des sanctions de glorification ou de blâme.

Dès qu’on substitut à la compétence le vedettariat (star politique ou médiatique) on est dans une des trois situations :

  • Le primat des ignorants sur l’intelligence par l’avilissement de toute idée noble et généreuse et le triomphe de l’idole, du fétiche, du totem ou de l’absurdité.
  • La dérive démiurge et humiliante par le culte de la personnalité. Cette dérive commence dès qu’on commence à privilégier les choses aux concepts, à désirer les sommets des appareils au lieu de chercher les processus et les ingénieries.
  • La manipulation psychosociale.

Ce sont ces trois situations qui font avorter une révolution, confisquer une indépendance, saborder une civilisation, interdire tout processus crédible et efficace d’édification et d’émancipation. Dans ces situations, c’est la paresse avec son inertie ou la feuille de route des Étrangers experts des mentalités et des médias des pays sous-développés en marge de l’histoire.  On peut mettre un peuple (abstrait par définition) en vedette une fois qu’on a imaginé et modélisé les comportements d’une foule. On peut transformer un homme ou un parti en star fascinante dès que l’audience est mise en sidération (frappée de stupeur, aveuglée incapable de discerner le vrai du faux) puis conduite vers l’adhésion inconditionnelle et irréfléchie.

Le Coran nous donne à méditer plusieurs cas de sidération dont le Samaritain avec le veau d’or, la foudre et l’éclair qui rendent sourd et muets. Ce sont des exemples pratiques. La loi générale est le pouvoir de fascination de Satan sur l’ego narcissique et le cerveau paresseux qui acceptent de se laisser duper et vont s’imaginer qu’ils sont des stars.

Satan est l’antéchrist, le prophète mensonger, il habite notre ego incitateur au mal. Il le fait par sa capacité à leurrer, à montrer le bien comme mal et le mal comme bien. Il ne se cache ni dans le mal, ni dans le Haram, mais il se met sur le droit chemin, celui du bien et de la piété en prenant l’apparence du vertueux, du sensé.

قَالَ فَبِمَا أَغْوَيْتَنِي لَأَقْعُدَنَّ لَهُمْ صِرَاطَكَ الْمُسْتَقِيمَ

Il dit :  » Puisque Tu m’as égaré (par l’épreuve où j’ai failli), je me maintiendrais sur Ta voie droite (pour les détourner. Puis je les assaillirai de devant, de derrière, de leur droite et de leur gauche.) al A’âraf 16

وَاسْتَفْزِزْ مَنِ اسْتَطَعْتَ مِنْهُم بِصَوْتِكَ وَأَجْلِبْ عَلَيْهِم بِخَيْلِكَ وَرَجِلِكَ وَشَارِكْهُمْ فِي الْأَمْوَالِ وَالْأَوْلَادِ وَعِدْهُمْ ۚ وَمَا يَعِدُهُمُ الشَّيْطَانُ إِلَّا غُرُورًا

Excite par ta voix ceux d’entre eux que tu pourras […] fais-leur des promesses ! Satan ne fait des promesses que pour leurrer. Al Isra 64

الصَّيِّتُ : الشديدُ الصوت

الصَّيِّتُ : الذِّكْر الحسَن

الصَّيِّتُ : ما يملؤ الأفق

Dans le dictionnaire Lisan Al Arab Al Syat, la voix de Satan, est celle qui porte fort et loin, qui se présente sous de bonnes auspices, annonce de bonnes augures, et bouche l’horizon. Elle est soit plaisante soit intimidante.

Les réseaux sociaux, les partis politiques, la société civile et les « ismes » idéologiques se remplissent à craquer de stars mis sous les feux de la rampe lorsque l’étape exige l’orientation de la lumière sur les uns et l’ombre sur les autres. La voix de Satan, c’est à dire tous les leurres idéologiques, politiques, médiatiques ainsi que tous les narcissismes se mettent à beugler. Durant le règne de Bouteflika, ils étaient silencieux à part le bavardage de quelques dénonciateurs des généraux algériens. Maintenant, écrasés par la masse populaire, ils s’expriment à travers des affiches et des vedettes. Ils tentent de leurrer l’opinion mondiale et le peuple algérien.

Ce sont vraiment des vedettes au sens littéral du terme : Ce qui se détache du texte, de l’image, de la scène ou du contexte auquel il se rattache en s’affichant sur une seule ligne, un gros caractère ou un grand plan. La vedette dans un film ou une pièce de théâtre est l’acteur plus important que les autres par le nombre de passages, la mise en valeur et le texte dit. Dans notre cas, la parole du peuple est éclipsée, détournée pour devenir une masse floue, un hors champ, un décor pour l’acteur qui parle comme s’il était le nombril de l’Algérie. Il répète d’une forme ou d’une autre ce que le chef d’orchestre ou le metteur en scène lui dicte. La foule en délire ne se doute de rien ou a l’illusion que le nombre fait la force. Cette force se consume en dissipation de chaleur, car elle ne produit ni élite, ni débat ni projet.

Les seuls débats sont ceux qui veulent donner légitimité au coup d’État réalisé par la Présidence, le gouvernement et les partis politiques. Ils font du peuple un écho de leur communication en disant à l’Étranger « nous maitrisons la situation, nous avons une feuille de route », tout en se faisant dire par le même étranger « tenez bon, vous êtes la solution idéale, il faut juste changer de façade et se débarrasser de quelques bouc-émissaires ».

L’enjeu n’est pas le peuple. Pour les démocraties européennes et américaines, le peuple ne signifie rien, c’est un artifice mis en vedette chaque fois qu’il est convoqué par la droite (républicains) ou par la gauche (les démocrates) : Moussa Al Hadj, Hadj Moussa. Ce ne sont pas les plus compétents qui émergent, mais ceux que les oligarchies mondiales ont façonnés et que leurs médias mettent en vedettariat.

Ceci dit, je vais préciser le sens que je donne à la compétence :

  • Elle est autorité (autoritas) dans le sens où elle morale par sa vertu. Où sont les vertueux qui vont prendre en main la destinée d’un pays. Ils ont tous failli, faut-il pour autant tout jeter à la mer et suivre la voix des insensés ?
  • Elle est autorité dans le sens où elle a la possibilité organique, juridique et technique de régir l’ensemble ou la majorité du corps social, de régler les affaires publiques. Aucune instance révolutionnaire n’a émergé et ne va émerger du festif mis en spectacle. Aucune assemblée populaire qui peut être constituante et guide juridique n’a vu le jour et n’est capable de voir le jour en l’absence de débat.
  • La compétence est ce qui est reconnue comme l’autorité légitime dans un domaine. Qui peut prétendre à la légitimité pour décider en souveraineté de ce qu’il faut faire ou ne pas faire, ce qu’il faut désigner ou refuser, comment faire, avec qui et pourquoi, comme ceci et non comme cela ? Nous sommes mis dans la situation de la poule et de l’œuf jusqu’au pourrissement de la crise et l’imposition d’une solution de contrainte. Qui a autorité à arbitrer, qui a la stature de conduire la crise algérienne vers sa résolution ? Nous ne sommes pas dans un problème de légitimité, mais de légalité.

Que signifie la légitimité ?

Conformité au droit, à la loi, à la raison, à la morale ? On est obligé de prendre pour référence la Constitution et le peuple. Que dit la Constitution, que dit le peuple ? Qui a prééminence en cas de conflit ? C’est le peuple !

Conformité du pouvoir politique aux règles de souveraineté, au mode d’exercice du pouvoir ? Pourquoi ce peuple a été mis « hors d’état de nuire en 1992 ? Pourquoi ce peuple abstentionniste à 90% a été cité comme légitimation des élections présidentielles et des révisions constitutionnelles. Nous sommes dans un débat byzantin ? Non, nous sommes des jouets, des leurres médiatiques et politiques.

Pour sortir de cette impasse lexicale sur laquelle jouent nos experts en Tkharbit, je lui ai toujours préféré cette définition : Si la compétence est d’abord une capacité reconnue socialement, la légitimité est la compétence acquise par l’exercice du pouvoir ou d’une fonction et conférée par la voie des urnes ou de tout autre procédé qui donne aux individus d’une nation le devoir et le droit d’exercer des responsabilités économiques, politiques et informationnelles. Toutes ces responsabilités sont des actes de souveraineté, des mérites, une reconnaissance sociale, des garanties juridiques. Ce sont des pratiques républicaines et démocratiques dans un cadre populaire et dans une vocation sociale. Que veulent nos élites ? Exclure le peuple et parler en son nom ! Se présenter comme une tutelle qui ne veut pas débattre, car elle a la double certitude d’avoir raison en tant que doxa intellectuelle et de perdre les élections en tant que partie politique ou référence idéologique.

Revenons à l’actualité :

Gaïd Salah devrait partir, est-ce que ce sera suffisant ? Qui a compétence pour le faire partir d’une manière légale ? Qui peut prendre sa place d’une manière légale. Il pourrait être contraint à la démission, est-ce que le départ d’un homme va changer à la nature de la crise. Son départ ne va-t-il pas créer une autre crise. Son maintien ou son départ n’est-il pas une fausse piste, un os à ronger ou l’ouverture de la boite de Pandore. Qui sera la prochaine tête ? Qui met la pression sur l’armée ? Dans quels buts ? Nous avons déjà exposé nos arguments depuis plus de 25 ans.

Le système a toujours mis des marionnettes paratonnerre et gobe-mouches : Kaïd Ahmed, Lamari, Tewfik, Nacer et maintenant Gaïd. J’ai déjà écrit sur le turn-over dans l’armée pour attirer l’attention de ceux qui pensent que le chef de l’armée est l’incarnation du pouvoir. C’est toujours le même processus de mise en place des stars. La compétence de pouvoir n’a rien à voir avec la vedettisation.

Lorsqu’on parle de compétence, de légalité ou de légitimité on est obligé de faire référence à l’attribut d’une fonction ou d’une image. L’attribut peut être ontologique (être), il peut être un signe distinctif conventionnel, il peut être un symbole accepté et partagé c’est-à-dire un mouvement de reconstitution de ce qui a été séparé organiquement et a donc perdu sa reconnaissance en étant isolé. L’attribut peut être un adjectif qualificatif pour mieux définir une chose ou une propriété attachée au verbe être ou au verbe attributif. Qui a donné l’attribut d’opposition, de société civile, d’élite intellectuelle ou communicationnelle ?

Quelle est notre priorité, quels sont nos conventions, notre procès de symbolisation, notre schéma de légitimation, notre posture par rapport à la légalité, notre connaissance de la dislocation de nos mentalités et de notre territoire par le colonialisme. Quelle est notre connaissance du pouvoir réel en Algérie ? Quels sont les périls ?

De la Légalité :

La Légalité :  Conformité à la loi.

Être légaliste : s’attacher à la lettre et à l’esprit de la loi, au détriment de ses intérêts de de son idéologie. C’est un des fondements de l’esprit de justice et d’équité. Il est stupéfiant de voir la même personne réclamer un État de droit, une justice indépendante et une séparation des pouvoirs tout en exigeant la transgression des lois en vigueur sans proposer de substitut juridique et moral aux défaillances ou à l’illégitimité de la Loi.

Être Légalitaire : tendre vers la légalité ; la pratiquer ou s’en inspirer…

On n’improvise pas des solutions, on ne se cache pas derrière des images de slogans !

 فاقد الشيء لا يعطيه  Al Faqad as Chay lâ youâtih. Celui qui ne détient pas une chose ne peut la donner.

Nouveau rapport de forces et nouveau clivage :

Maintenant que la question du départ du système est réglée dans l’esprit des Algériens, commence à se poser la question qui divise déjà les Algériens : les légalitaires et les anarchistes.

En filigrane se dessine une autre lutte, celle-ci est éminemment idéologique et stratégique : l’article 7 de la Constitution. Quel contenu et quelle forme lui donner. Quelles garanties. Quel véritable pouvoir et comment l’exercer ? Bien entendu, plus on tarde à répondre, faute de débat, plus on noie le poisson dans les eaux troubles.

Lorsque la nuit tombe ou lorsque le rideau se lève, vont alors se dévoiler les véritables acteurs si on ne parvient pas à faire une lecture cohérente et responsable du conte qu’ils nous récitent ? Nos élites sont mystérieusement absentes ou silencieuses. Chaque mot a un sens, une vertu et une éventuelle conséquence, sinon il devient perte de temps et dissipation d’énergie.

Omar MAZRIALGERIE RUPTURE

Rédaction

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