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vendredi 19 avril, 2024

Le changement en Algérie passe par la rupture avec la séduction et la trahison, et par la compétence à être utile

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Devant le consensus fragile et éphémère, l’Etranger exige une plateforme politique comme une astuce institutionnelle pour réformer la Constitution et placer un « vivant » aux commandes du pays sans élections ni légitimité afin de poursuivre la prédation et la rente et le système qui les alimente et les sauvegarde. Cette plateforme a autant de chances de donner des fruits que le régime à se réformer. Il ne s’agit pas d’une opinion politique, mais d’une analyse à la lumière des principes universels d’émancipation des peuples et d’édification des civilisations ou de leur effondrement et disparition. Ici nous sommes en présence d’un anéantissement, car les facteurs négatifs et nuisibles sont plus nombreux que les facteurs positifs et bénéfiques.

Prenons l’exemple sur une loi mise en exergue dans le récit coranique sur Youssef et l’obligation donnée aux hommes d’en tirer enseignement (عبرة  ‘Ibra ou passerelle de sens) non sur le plan religieux, mais sur le plan civilisationnel et eschatologique c’est-à-dire sur le salut ici-bas et là-bas. Cette loi s’énonce ainsi :

« Le Dhalem ne fructifiera pas… Le juste ne perdra pas les fruits de son labeur. »

Le Juste qui va modifier le cours de l’histoire ne s’improvise pas en quelques semaines. Il est une semence en maturation. Il est préparé à intervenir sans fracas et sans escroquerie pour modifier le cours de l’Histoire au profit des Hommes :

{Nous lui donnâmes la Hikma et le Savoir. De cette façon Nous récompensons ceux qui font le bien.} Coran 12-22

C’est plus qu’un projet politique, une réforme constitutionnelle, un Etat-nation, un soutien populaire ou un rang au sein de l’élite.

Ce n’est pas une hikma (حكمة) comprise comme sagesse, mais une disposition cultivée qui donne la compétence de résoudre les problèmes (de décider, d’arbitrer, de discerner) pour promouvoir une civilisation, sinon la restaurer lorsque la question de son devenir et de son salut se pose sur le plan existentiel. Nous sommes sur le plan de la vertu et de la probité qui rendent la compétence au changement un virtuel c’est-à-dire un réel en potentiel que le temps va actualiser et concrétiser lorsque les conditions sont réunies.

Le Ilm (علم) n’est pas la science qui consiste à connaitre les moyens techniques, les processus d’un phénomène ou les formalismes profanes ou religieux, mais le Savoir et la haute intuition par lesquels on perçoit lucidement la réalité, la conscience par laquelle on accède à la vérité qui donne les principes, la vision par laquelle on voit à l’horizon le devenir qui donne l’élan, enfin le sens des finalités qui procure la motivation et la constance. L’aptitude à réaliser le changement est donc une vocation civilisatrice, du moins réformatrice. Cette aptitude, cultivée par l’éducation et un sens aigu des responsabilités, peut ne demeurer qu’un germe en hivernation ou devenir une véritable compétence si elle venait à être reconnue socialement. C’est l’aptitude d’être socialement utile conjuguée à la reconnaissance sociale qui donne la légitimité sur laquelle vont se fédérer les légitimités auxiliaires : territoriales, historiques, économiques, culturelles, religieuses et intellectuelles…

Chez nous, on fait le contraire du civilisé et du civilisateur : on place les impostures, les usurpations et les syllogismes fallacieux et on les incarne dans des personnages de circonstance puis on les accrédite d’une légitimité par la force des armes, des médias, des rentes et de la validation étrangère.

Chaque jour que Dieu fait, chaque projet, chaque dépense, chaque réalisation et toute conscience vive témoignent de cette loi universelle :

 

إِنَّهُ لَا يُفْلِحُ الظَّالِمُونَ 12 -23

« Les Dhalimouns ne fructifieront jamais…

Le Dholm (ظلم) ce n’est pas seulement faire preuve d’injustice ou de manquer d’équité dans l’application du droit (constitutionnel, administratif, pénal, fiscal, travail, douanier…) et le respect des lois.

الــظلم: وضع الشيء في غير موضعه، وفي الشريعة: عبارة عن التعدي عن الحق إلى الباطل، وهو الجور، وقيل: هو التصرف في ملك الغير ومجاوزة الحد.

Le Dholm (ظلم): mettre la chose à son mauvais endroit, porter atteinte à la vérité, violer les droits d’autrui, mentir, manipuler, s’accaparer les biens d’autrui, nuire à la dignité humaine, transgresser les limites éthiques et substituer la laideur à la beauté, le nuisible à l’utile, la médiocrité à l’intelligence.

Le Dholm (ظلم), c’est donc  mettre les choses et les hommes dans les places qu’ils ne méritent pas, de donner des significations fausses, d’avoir des représentations mentales erronées, de mal distinguer la réalité de la fiction, de confondre la vérité et le mensonge.  Le Dholm (ظلم), c’est aussi l’outrance et l’exagération par lesquelles on heurte la sensibilité des braves gens, on gaspille les ressources et on rend stériles les forces productives et les idées créatives. Tous les mécanismes et toutes les pratiques qui fabriquent la dictature sociale, politique, économique, culturelle, idéologique, religieuse. Toute forme de dictature est une aliénation de la liberté humaine et une atteinte à son droit naturel, celui de la différence et de la diversité. Le monopole, l’exclusive et l’exclusivité sont les formes les plus abouties du Dholm, car elles engendrent la tyrannie.

Le faux témoignage est sans doute le pire des Dholms après le crime. Sur le plan des principes (universels), le faux témoignage non seulement est punissable par la loi par l’emprisonnement et les amendes, mais par la déchéance de la personnalité juridique qui fonde un citoyen ou un sujet dans un Etat – gouvernant ou gouverné, administré ou administrateur. Toutes les Révélations excluent le parjure de la vie sociale, juridique et économique : Dans cette existence, il n’a pas le droit de témoigner ou d’être mandaté, dans l’autre existence, il n’a pas la possibilité de racheter ses péchés. La plus grande puissance « démocratique » du monde, l’Etat-onusien, peut pardonner les fautes vénales, mais ne pardonnent pas le parjure. L’Algérie est une grande supercherie et une grande trahison, elle n’a pas de problème de conscience.

Le summum du faux témoignage en matière de foi et de croyance, c’est bien entendu d’adorer une divinité autre que Dieu, de donner à Dieu un émule, de lui attribuer des attributs anthropomorphiques : c’est le Dholm.

Le summum du faux témoignage en matière idéologique, politique et culturelle, c’est promouvoir des valeurs opposées aux principes universels permettant ainsi de parer le mensonge comme s’il était vérité, le vice comme s’il était vertu, la transgression comme si elle était légale. Dans cette manipulation le vrai, l’utile, le réel, le beau et le juste sont présentés comme des monstruosités, des humiliations… Comme c’est vilain.

إِنَّهُ لَا يُفْلِحُ الظَّالِمُونَ 12 -23

Certes, les Dhalimouns ne fructifieront jamais

L’affirmation de ce principe, non comme verbe sermonneur dans un prêche pour endormis ou une narrative fascinante lors d’un meeting électoral à bestiaux en quête du festif (Zerda et Tamina), mais comme conscience vive, qui frappe à la porte du destin comme les coups de la 5ème symphonie de Beethoven qui parvient « au royaume spirituel de l’infini » en sortant de « l’ombre de l’anonymat à la célébrité universelle ». Ce n’est qu’après avoir suscité la curiosité intellectuelle, artistique, sociale et culturelle que l’œuvre est parvenue à s’inscrire dans l’histoire des hommes et dans le sommet du gout esthétique. L’interrogation ou la curiosité est la première étape du changement, l’annonce que la conscience se recueille dans l’attention qu’elle porte à ses problèmes et dans l’attente de la réalisation du projet qu’elle fait émerger.  Sans cette conscience et le temps de maturation, la célébrité sera une imposture, un éphémère, une autre catastrophe. Sans la rencontre entre les conditions matérielles dont le savoir-faire et les conditions morales dont la vertu et la justesse, il n’y a ni talent ni changement ni créativité.

Youssef a été jeté dans l’ombre des geôles pour un principe : ne pas trahir celui qui lui a donné asile en succombant aux tentations de la belle éprise de lui d’un fol amour et pour laquelle il éprouvait un penchant. Le récit est authentique, mais sa portée est symbolique, il s’agit moins d’afficher une vertu sur le plan de la morale sexuelle que de prendre position contre la traitrise et la trahison au prix de sa vie et de sa liberté.

Quel est le coût de la confiance ? Quel est le prix de la forfaiture ? Quelle comparaison entre la séduction d’une belle et la convoitise prédatrice d’un pays ? Quel rapport entre la trahison d’un homme et la trahison envers un peuple, une nation ou une guerre de libération ?

Le récit de Youssef et l’Histoire des hommes nous livrent leur contenu et leur étendue. Regardez les trottoirs et les poubelles des grandes villes, regardez les cités dortoirs, regardez les hôpitaux, regardez les manuels scolaires, regarder le drame des Haragas, regardez les loques humaines, regardez l’intérieur du pays, regardez les médiocres qui nous gouvernent et écoutez les moqueries des médias et des chancelleries occidentales pour savoir que le Falah est impossible pour ceux qui ont confisqué les libertés, qui ont rendu impossible le développement social et humain, qui ont dilapidé les ressources, qui ont rendu stérile la pensée et l’imagination de l’Algérie.

N’ayez pas peur de voir l’horreur de l’indépendance confisquée : les veuves de Chouhada devenant une armée de femmes de ménage, les filles algériennes amenées à la prostitution, les Moudjahidines ravalés au rangs de détenteur de licences de tenanciers de bars ou de taxi, les plus nantis détenteurs de licences d’importation. Les plus honnêtes sont jetés dans l’ombre de l’anonymat et de l’oubli. Le sang, les larmes et la sueur de la révolution algérienne ont été occultés et effacés. On a cultivé la haine du Harki et du Colon pour faire diversion sur l’administration indigène de type coloniale qui a pris le pouvoir en Algérie. Les véritables Harkis sont la manifestation de la machine infernale de la subversion psychologique, du colonialisme qui a créé les conditions de nécessité vitale à la trahison ou à l’engagement dans les rangs de l’armée française comme auxiliaires de répression des peuples ou de libération de la France. Lorsqu’on parle de Harkis, on doit voir le drame algérien dans son aspect le plus humiliant de la dignité humaine que le colonialisme a entrepris après qu’il ait affamé le peuple algérien et maintenu dans l’ignorance. On doit voir les menaces sur les familles de Harki comme une manœuvre visant à éviter les procès contre les colons et les Algériens ayant participé à l’effusion du sang des Algériens ; ces procès auraient dévoilé la nature des traitres et des opportunistes qui ont exclu les Algériens et donné la préférence aux étrangers.

J’invite les jeunes algériens à faire des recherches sur le douar Soustara (ex Cathena) entre Jijel et Skikda et voir ce que l’enclavement d’un territoire peut donner comme résultat. C’est ce que le sionisme tente de faire en transformant Gaza en une enclave coupée du reste du monde. Ceux qui nous gouvernent actuellement sont pires que le Hizb frança dont on peut comprendre les mobiles et les motivations. Il s’agit du Hizb du Chaytan qui vise la destruction de la moindre parcelle de lucidité, de bien et de bonté dans la personnalité humaine afin de le rabaisser au rang de bête tout en cultivant son ego pervers et narcissique.

Lisez avec des yeux de vivants le récit, ne fantasmez pas sur le nom du roi ou celui de la belle, ne vous focalisez pas sur la fornication et le sexe :

إِنَّهُ لَا يُفْلِحُ الظَّالِمُونَ 12 -23

Certes, les Dhalimouns ne fructifieront jamais

Imaginez toutes les formes d’oppression, de dictatures, de trahisons, de monopoles, de faux témoignages, de rentes dans le domaine ontologique, social, politique, économique, administratif, culturel. L’Algérie et l’incarnation de tous les fléaux et de tous les Dholms. Presque 60 ans d’indépendance et on se retrouve dans le même état de délabrement moral et social qui a donné socle au Wahn annoncé par le Prophète (saws) et à la colonisabilité de Malek Benabi.  Mouloud Hamrouche évoque le retour au 16ème siècle qui a consacré la décadence de l’Empire musulman. Je pense que notre décadence remonte beaucoup plus loin, nous sommes sur le plan anthropologique des fossiles humains sans vestiges archéologiques, c’est à dire des peuplades en quête de chefs et de clans se contentant d’errer sur un territoire trop grand pour notre ambition reptilienne. En 2019, nous n’avons toujours pas de langue nationale :  nous demeurons analphabètes trilingues.

Le sieur Chekib poursuivi pour corruption par ses comparses, ose étaler son ignorance politique et linguistique en proposant l’anglais comme langue nationale et les USA comme partenaire stratégique au lieu de la France. Plus vassal que ça tu meurs ! Ce sont des expressions de Dholm structurel : notre mentalité est focalisée sur des choses, des ambitions personnelles, des mythes qui font obstacle à l’élévation vers des notions abstraites éthérées et sublimes comme le Droit, la Liberté, la Justice, la Spiritualité, la Civilisation, l’Homme et son sens du beau, du vrai et du juste…

Après avoir passé en revue les formes et les symptômes du Dholm que nous voyons, examinons maintenant le terme sublime du Coran que les arabisants modernes et les pieux anciens occultent : Al Falah (الفلاح)

L’exégèse coranique le confine au sens mondain ou métaphysique :

أَفْلَحَ = يوم القيامة فازوا في الدنيا وسعدوا

Triomphe dans ce monde et récompense dans l’autre.

Cette explication est insuffisante tant sur le plan sémantique que sur le contexte du récit coranique. Les encyclopédies arabes font la différence entre le succès mondain, la réussite sociale et la prospérité économique qu’expriment les termes arabes Najah et Dhafr النجاح  الظفر.  Le Falah évoque davantage le salut contre l’anéantissement ici-bas et l’enfer là-bas, ainsi que la pérennité du bien et du bon contre l’instauration du mal et du mauvais :

البقاء على الخير والنجاة من الشر –  الْفَوْزُ وَالْبَقَاءُ وَالنَّجَاةُ

Le Falah, c’est plus que cultiver son environnement humain et social ainsi que se cultiver sur le plan ontologique pour se hisser au rang du juste et du vertueux utile à l’humanité. C’est s’engager dans la voie du bien avec détermination, y demeurer avec constance et âme égale dans l’attente de la promesse divine : sanction des manquements et récompense des méritants.

Pour une meilleure traduction du sens nous avons eu recours aux dictionnaires français et à l’analogie lexicale entre le verbe arabe AFLAHA et les verbes Labourer, Cultiver. Nous sommes agréablement pour rester dans les sens étymologiques les plus proches entre l’Arabe et le Latin :

الفلاّح للحارث، لما هو يفرق التراب عند الحرث  – يفلحون الأرض أي يسقونها

Labourer du verbe laborer c’est-à-dire faire effort, travailler… Faire des sillons dans la terre pour l’ensemencer…

Cultiver du verbe Cultivarer : Travailler la terre ou un champ pour lui faire produire des végétaux utiles aux besoins de l’homme, défricher, labourer, faire de l’agriculture. Prodiguer des soins à une plante en vue de favoriser sa venue puis de la faire pousser. Élever les espèces animales dans le milieu le plus favorable à leur croissance et à leur santé. Cultivarer signifie aussi –  en plus de « travailler » la terre –   « vénérer » une divinité et rendre culte à une idole ou à un dieu. Initialement le lieu de culte est le lieu des offrandes et des sacrifices en gratitude à la divinité pour l’abondance ainsi que des invocations pour repousser les malédictions (du verbe mal dire) et s’attirer les bénédictions (du verbe bien dire). L’effort physique, la pensée rationnelle et l’élan spirituel sont conjugués dans la pratique de la culture lorsqu’elle n’est pas comprise comme divertissement.

L’architecture lexicale a permis de forger dans les langues latines les significations suivantes : Entretenir et exploiter les qualités d’un être vivant à des fins utilitaires ou esthétiques.
Faire fructifier les dons naturels permettant de s’élever au-dessus de sa condition initiale et d’accéder individuellement ou collectivement à un état supérieur.

Mise en valeur du patrimoine et des arts : (s’)Éduquer, (s’)l’instruire, (s’) entourer de soins et de conseils en vue d’assurer le développement harmonieux et durable de la personnalité humaine.

Fructification des dons naturels permettant à l’homme de s’élever au-dessus de sa condition initiale et d’accéder individuellement ou collectivement à un état supérieur.

Réunir l’ensemble des moyens et des conditions mis en œuvre par l’homme pour augmenter ses connaissances, développer et améliorer les facultés de son esprit, notamment le jugement et le goût.

Travail assidu et méthodique (collectif ou individuel) qui tend à élever un être humain au-dessus de l’état de nature, à développer ses qualités, à pallier ses manques, à favoriser l’éclosion harmonieuse de sa personnalité.

Les Arabes, en rupture avec leur socle linguistique, ont pris le sens de Culture dans le sens de divertissement, de folklore ou d’activités « culturelles » en forgeant le néologisme Thakafa ( ثقفة), mouthaqaf pour désigner la culture (activité) et le cultivé (compris comme instruit). Ils ont oublié le sens et la valeur des mots dans leur effort mimétique de l’Occident dont ils voulaient importer les choses de la Modernité par leur Nahda sans l’esprit moderne occidental qui a fondé la Renaissance. Nous avons le verbe Aflaha et les substantifs Falah et Fellah. Le plus triste est que le terme forgé Thakafa est antinomique avec notre esprit tordu et nos pratiques malsaines et malveillantes. En effet le terme signifie faire l’effort de se redresser et de rester droit.

Ce ne sont pas les mots qui nous font défaut, c’est le sens de ces mots et la conscience qui leur donne contenu social, politique, institutionnel, juridique, esthétique et éthique… De la même manière que nous ignorons la différence entre le Ilm (le Savoir) et le Tha’lim (faire l’effort d’acquérir le savoir et la connaissance sur de longues années d’études et de recherche). Nous voulons le résultat sans l’effort qui va avec. Nous livrons nos enfants à des tuteurs pédagogiques sans que l’école publique ou privée ne dispose d’une véritable stratégie pédagogique qui fait apprendre à l’élève et à l’étudiant comment apprendre, c’est-à-dire comment acquérir ou développer sa propre stratégie d’apprentissage. Nous sommes des creux vides que les tuteurs remplissent de formalités et de chimères sans voie vers la virtualisation, c’est-à-dire la mise en puissance et en orbite des jeunes talents qui seront aptes à produire de la pensée ou à gouverner une fois qu’ils auront acquis la légitimité de la reconnaissance sociale.

Le Falah ne provient pas du verbe Falaha qui peut être un résultat soudain, limité, fortuit, mais du verbe Aflaha qui ne peut être qu’un processus structuré, progressif, pensé, soutenu et provenant d’un dur labeur qui ne donne ses fruits que si l’œuvre est agréé par son capital de bienfaisance, c’est-à-dire par son investissement social et sa compétence à produire de l’utile et du bénéfique pour les hommes, tous les hommes sans distinction. Cet effort ne peut aboutir que s’il est agréé par Dieu, par la justesse et la bienveillance des intentions qui l’ont présidé ainsi que par l’efficacité du travail qu’il a entrepris. Au nom de la loi du Falah qui gouverne l’univers, nous pouvons affirmer que l’effort et l’œuvre ne peuvent être validés lorsqu’ils sont pilotés par des fainéants, des corrompus, des indigents et des minables en quête de privilèges, de dérogations, de rentes et d’autres formes de Dholm….

Pour qu’il n’y ait aucune équivoque tant dans l’énoncé de l’antinomie entre le Dholm et le Falah que de leur véritable sens respectif ainsi que dans l’analyse objective de la situation algérienne sans esprit partisan, nous allons nous référer à l’énoncé coranique. La règle vérifiée et mise en pratique est que le Coran s’auto explique, le contexte de ses énoncés est une explicitation du sens des mots et des phrases :

{قَدْ أَفْلَحَ مَنْ زَكَّاهَا وَقَدْ خَابَ مَنْ دَسَّاهَا}

{فَمَنْ ثَقُلَتْ مَوَازِينُهُ فَأُولَئِكَ هُمُ الْمُفْلِحُونَ وَمَنْ خَفَّتْ مَوَازِينُهُ فَأُولَئِكَ الَّذِينَ خَسِرُوا أَنْفُسَهُمْ}

{قَدْ أَفْلَحَ الْمُؤْمِنُونَ الَّذِينَ هُمْ فِي صَلَاتِهِمْ خَاشِعُونَ}

{أُولَئِكَ هُمُ الْوَارِثُونَ الَّذِينَ يَرِثُونَ الْفِرْدَوْسَ هُمْ فِيهَا خَالِدُونَ}

A l’opposé du verbe AFlaha nous avons le verbe Khaba (خَابَ) signifiant :
Déconcerter, déranger des projets, empêcher leur réalisation
Perdre l’assurance de son jugement et être confus dans la conduite à tenir.
Voir ses efforts devenir vains et inutiles.
Se trouver déçus, frustrés, mis en échec d’une manière honteuse et humiliante et contre toute attente.

A l’opposé du Mouflih nous avons le khafat mawazinouhou ( خَفَّتْ مَوَازِينُهُ ) signifiant :
Inconsistant, sans valeur, sans poids, sans mérite, sans récompense.

L’arrogant, le transgresseur bruyant et l’outrancier ne peut être un partisan du Falah car il lui manque l’attribut essentiel de la culture : le Khouchou’ ( خشوع ) signifiant humilité, recueillement, concentration et contemplation pris dans le sens littéral d’entrée dans le Temple, celui de la ferveur spirituelle, de la quête de lumière, de la quête de vérité, de la proximité sociale avec les humbles.

La récompense du Mouflih qui conjugue le verbe cultiver à tous les temps et sur tous les registres de l’activité humaine est appelé à l’éternité heureuse de l’au-delà et à l’éternité de la mémoire humaine comme symbole du bien, du vrai et du juste selon l’autre loi divine :

{Ce qui est utile aux homme, demeure sur terre, mais l’écume est condamnée à disparaître}

Poursuivons l’analyse de quelques aspects sur la Sourate Youssef :

Le Mouflih (cultivé au sens de civilisé, cultivateur au sens de civilisateur) ne sollicite pas une faveur, il est sollicité pour le salut sinon pour la résolution des crises :

{ » O Youssef, toi qui es véridique, dis-nous ce que signifient sept vaches grasses que dévorent sept vaches maigres, et sept épis verts et les autres desséchés afin que je puisse revenir vers ceux qui m’ont envoyé et ainsi pourront savoir ce qu’il en est.  »
Youssef  dit :  » Vous sèmerez de la façon habituelle durant sept années. Ce que vous aurez moissonné, laissez-le en épis, sauf le peu que vous consommerez.
Viendront ensuite sept années arides, qui mangeront les provisions faites dans leur attente, laissant subsister une petite partie de vos réserves.
Puis viendra une année durant laquelle les gens recevront une pluie abondante et se rendront au pressoir « .}

Il n’y a ni improvisation des hommes ni arbitraire du destin mais conjugaison des conditions morales (incarnées dans Youssef avec ses qualités de digne de confiance, de visionnaire, de véridique) avec les conditions matérielles (incarnées dans le gouvernant juste, disposant d’autorité légitime et surtout prévoyant et anticipant sur la crise qu’il a pressenti et dont il veut le règlement).

{Le roi dit :  » Amenez-moi Youssef ! Je vais l’attacher à ma personne « . Après lui avoir adressé quelques mots, le roi poursuivit :  » Te voilà dès aujourd’hui auprès de nous, investi d’autorité et de confiance « . Youssef dit :  » Confie-moi l’intendance des magasins du pays, j’en serai le gardien averti}

Pour qu’il n’y ait place à aucune ambiguïté sémantique et à aucune confusion philosophique sur le plan historique, le Coran nous met au milieu de la sourate cet énoncé magistral :

{Et maintenant la vérité-réalité s’est cristallisée}

Hasshassa c’est entasser de petits cailloux, Al Haqq c’est à la fois la vérité et la réalité indissociable l’une de l’autre. On ne peut pas voir la réalité si nous pratiquons le mensonge qui omet, déforme ou ajoute. On ne peut pas parler de vérité comme une abstraction sans prise sur la réalité de la situation et sans observation du devenir des faits et leurs corrélations. La vérité n’éclate pas comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, ou comme un artifice de cinéma ou de théâtre. Cristalliser le gaz vaporeux en solide tangible exige une réaction chimique complexe. Amener la Vérité-Réalité à se cristalliser, dans le cas qui nous intéresse, c’est :  fixer, concrétiser, donner de la cohérence et rendre sensible et visible le phénomène de réalisation (actualisation) du potentiel (virtuel). Ce phénomène a pris trois dimensions. La première, c’est un gouvernant qui a conscience de la crise à venir et de la nécessité de la régler très tôt. La seconde c’est une communication qui cherche la vérité en s’informant des faits réels et non en fabriquant des narratives. La troisième, c’est le repentir de la femme séductrice et instigatrice du complot qui a mis Youssef en prison. La quatrième c’est l’acte de justice impartiale et équitable du gouvernant qui réhabilite. La cinquième, c’est la personnalité de Youssef le sauveur potentiel qui refuse toute revanche et tout compromis d’appareil, mais qui exige la justice dans la transparence. La sixième, c’est l’autorité du gouvernant qui choisit l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Il n’y a pas d’ordre chronologique ni de primat d’un facteur sur l’autre, mais une opération de cristallisation qui donne consistance à la réalité et à la vérité.

Enfin le terme maintenant (الآن ) signifie qu’il y a un long processus, c’est-à-dire un avant où se réunissent les conditions de la réaction de cristallisation, un pendant durant lequel se réalise la réaction et un après où on voit non seulement le produit de la réaction et les applications en termes d’utilité sur le plan de la connaissance, de la prospérité humaine et de l’incitation à maintenir pérenne le mouvement des faits et des idées. Le pendant, l’avant et l’après sont des pensées cristallisées en actions concrètes et sont aussi des communications qui précédent (pour annoncer ce qui va être fait), accompagnent (pour expliquer ce qui est en train de se faire) et suivent (pour évaluer et ajuster ce qui a été fait et les suites projetées ainsi que les devenir possibles). Nous entamons chaque processus électoral, initié comme une continuité, sans que les partisans du changement n’alimentent un véritable débat d’idées, ne poussent les contradictions à la rupture dialectique, ne communiquent sur la rupture et ses mécanismes. Les intentions et le temps imparti à la campagne présidentielle de 2019 ne sont pas suffisant pour amorcer le changement, exiger des garanties, et motiver les hommes qui doivent aller au charbon s’ils veulent le Falah.

C’est à travers ces prismes que je tente de lire le monde en y cherchant ce qui est universel dans ses lois historiques et le distinguer de ce qui est narratif ou expressif d’un socio code ou d’un géocode non déterminant dans la réaction chimique de ce qui secoue notre monde.

En Algérie, on fait de la reproduction élargie à la sénilité et à la médiocrité. Il ne peut donc y avoir de Falah, même si ces gens-là détiendraient toutes les richesses du monde. Il ne s’agit pas d’une opinion de revanchard, mais l’expression d’une loi universelle qui nous dit que la pérennité et la prospérité sont destinées pour les plus utiles et les plus justes. Le reste finira en déchets dans les poubelles de l’Histoire et en malédiction dans les pensées des vivants qui auront survécu à l’absurde le plus cynique et le plus mortifère de notre époque.

Dans tous les récits coraniques, il n’y a pas de lutte pour le pouvoir et encore moins pour le fantasme d’un Etat nation ou d’une République islamique. Il y a l’autorité et la confiance. L’autorité ce n’est pas Heybat Ad Dawla au sens de pouvoir, mais au sens d’Auteur et d’Autoritas, c’est-à-dire en termes de compétence à produire des idées et des actions utiles ainsi qu’à créer de nouvelles organisations, de nouveaux scénarios, de nouveaux concepts. Inspirer confiance et obtenir l’adhésion libre et volontaire des gens sont incompatibles avec la manipulation médiatique. Cela exige comme préalable le Savoir et le discernement. Youssef en a fait la démonstration alors qu’il était dans l’ombre. Ce ne sont pas les feux de la rampe qui vont établir la confiance et la compétence, mais la vision lointaine, même si on ne dispose pas encore des instruments de pouvoir. Tenir ce discours c’est bien entendu être taxé de réactionnaire ou de manque de pragmatisme.

Pour que la vérité se cristallise dans la vie mondaine, il faut qu’elle soit présente dans l’intimité de la conscience. Ceci nous ramène à la disposition de Youssef lorsqu’il fut tenté par la séduction et mis face à l’épreuve de la trahison :

مَعَاذَ ٱللَّهِ

{Que Dieu me garde !}

Ce cri de lucidité et de résistance n’est possible au moment précis de la tentation que si l’homme qui le prononce a enraciné en lui l’éthique de Dieu. L’éthique de Dieu, c’est l’élan spirituel qui pousse l’homme à chercher la perfection dans les attributs de beauté d’Allah tels que la Justice, la Paix, la Miséricorde…. Ce n’est pas une foi de bigot, mais une force spirituelle et une empathie pour les créatures de Dieu qui donnent une résonnance ainsi qu’une couleur éthique et esthétique dans la pensée, le sentiment, le regard, l’audition et l’action. Le mal et le nuisible sont perçu intimement comme vilain à éviter, antipathie à fuir. Celui qui assassine, emprisonne et complote ne peut se réclamer de cette éthique, même s’il affiche tous les apparats de la religiosité et tous les signes de la dévotion.

Disposition éthique et processus historique en déroulement sont nécessaires pour la mise en évidence de la vérité et du Falah qui l’accompagne :

{C’est ainsi que Nous avons solidement établi Youssef dans ce pays. Il pouvait s’y installer là où il voulait. Nous accordons Notre Miséricorde à qui Nous voulons, et Nous ne laissons pas perdre la récompense des hommes de bien.}

L’épreuve de la séduction (mondaine) est un révélateur pour distinguer le traitre du loyal, l’ingrat du digne de confiance, le fasciné du lucide. Le pouvoir est la pire des séductions, il fait couler le sang des innocents. Le peuple qui ne sait pas produire ses idées, ses élites, son argent et choisir librement son gouvernant ne peut mériter autre que l’oppression ou la rente qui font perdre non seulement la liberté et la dignité, mais le sens des réalités et l’appréciation de la vérité et de la justice.

{Certes, le récit sur les Envoyés contient des enseignements pour les hommes doués d’entendement.}

Intimidation, escroquerie, mensonges, corruption, plateforme fictive, révision constitutionnelle, rente, vice-président, directoire présidentiel, homme providence et autre caprice de sénile ou d’infantile ne changeront rien à la nature des choses. L’attendu est la rencontre de la Vérité et de la Justice sur le terrain de la Réalité non pas sur le plan abstrait ou discursif, mais dans la confrontation des idées incarnées dans des hommes vivants, concrets, vertueux et désirant le changement par idéal et non par calcul politicien. C’est de cette confrontation que la commutation de sens s’opère du simple au complexe, du statique au dynamique pour enfin devenir une passerelle de changement quittant l’ancien monde et se dirigeant résolument vers le nouveau.

Omar MAZRI – algerie-rupture.com

Rédaction

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