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lundi 18 mars, 2024

Algérie. La partie difficile après la partie facile : acte 1

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En général je consacrais peu d’analyses sur l’Algérie, car il n’y avait pas de faits politiques, sociaux, économiques ou culturels qui valaient la peine d’en parler.

J’avais évoqué les élections de 2014, puis la révision constitutionnelle comme un non évènement. J’avais cependant, depuis les derniers six mois, changé mon attitude sur l’Algérie et mis l’accent sur trois phénomènes perceptibles :

1 – Un bouleversement majeur. Il ne s’agit pas de la contestation populaire (Révolution ou Hirak ou festival), mais d’un effondrement du système mondial. L’effondrement de l’État algérien et d’autres États sont les crises périphériques qui confirment l’effondrement de l’Empire. L’Empire va à sa perte, même si les antisystèmes ne sont ni nombreux ni organisés : Il y a des lois qui s’appliquent. L’Occident a fini son œuvre utilitaire pour l’humanité, sa nuisance est devenue supérieure à son utilité. Il va durer encore tant que l’alternative civilisationnelle n’est pas mûre pour le remplacer, sinon il va disparaitre en laissant derrière lui des ruines financières, géopolitiques…  En attendant, les maillons faibles vont se désintégrer : les exemples sont nombreux dans le monde arabe.

Contrairement à ce qu’on dit, le peuple algérien n’est pas singulier, il réagit aux secousses internationales et nationales et il trouve des failles pour faire tomber la tête de l’État algérien. Dans son euphorie, on lui fait croire que « tous doivent dégager » et il y croit.

Les peuples et les élites oublient qu’une Révolution a ses doctrinaires, ses idéologues, ses partisans. En Algérie comme en Égypte, en Tunisie et en Libye, il n’y a pas de théorie ni d’organisation révolutionnaires, mais de l’opportunisme tactique et de la fascination médiatique.

Ceux qui appellent aujourd’hui au refus de l’article 102 de la Constitution veulent l’anarchie. Là aussi, ils font des calculs d’épiciers en faillite, car l’anarchie est une doctrine, une idéologie, une forme de société qui expriment un désir d’être dans une forme non hiérarchique. Chez nous, ce n’est pas l’anarchie, mais le désordre et la confusion. Il n’est pas suffisant de rejeter une chose pour que son désir devienne réalité ou vérité : Il faut d’abord un projet de changement, un cap.

L’anarchie est un projet politique et social planifié et voulu, ce n’est pas de l’aventurisme. La carence d’autorité ; l’absence, le refus ou la confusion des règles et des directives ne mènent pas à l’anarchie au sens philosophique, mais aux troubles.

Les mouvements gauchistes anarchistes se réclamant du socialisme prônent la socialisation des moyens de production et l’abolition de la propriété privée. Les mouvements anarchistes proudhonien revendiquent paradoxalement l’anarchie synonyme de liberté et l’absence de gouvernement, mais respecte les lois, l’autorité de la loi, car elle est une nécessité. Même dans le communisme primitif à l’aube de l’humanité, Engels trouvait qu’il y avait un pouvoir matriarcal, les femmes décidaient de l’avenir du clan par la reproduction, l’éducation des enfants et le partage de la nourriture. On trouve des formes larvées d’anarchismes, mais qui disparaissent vite.

Que revendiquent alors les Frères musulmans algériens opposés à l’idéologie libertaire de gauche et fervents partisans de la propriété privée ? Sont-ils libertariens au sens des progressistes américains ? Ils peuvent être des objets de manipulation américaine, mais ils n’ont pas la culture de la liberté puisqu’ils fonctionnent en mode confrérique avec un culte du chef totémique. On peut donc s’interroger sur leurs objectifs. On y reviendra.

2 – Un coup d’état militaire, car la situation devenait intenable, humiliante. Il y a eu plusieurs coups d’états blancs. L’Armée veut rester dans la légalité du moins sur le plan formel. Elle ne veut plus d’effusion de sang. Il est trop tôt pour préjuger de ses intentions finales, mais nous devons rester positif par le « hosn Dhon ». Dans 90 jours, nous serons fixés si les choses se passent bien, dans le calme et dans la légalité et la légitimité des urnes. Les candidats et le peuple n’ont qu’à être compétents pour la promotion du mérite et de la probité.

3 – L’irruption de Ali Ghediri comme candidat avec la levée de boucliers tout azimut contre lui. Son analyse de la situation a été bonne. Son courage et sa détermination remarquables. Il a donné une définition scientifique du système : Une organisation régie par une idéologie, mue par des acteurs, fonctionnant selon un mode, exerçant certaines pratiques visant une finalité et des objectifs. Je vais ajouter quelque chose d’important à cette définition : Tout système vit dans un environnement, c’est-à-dire l’ensemble des facteurs qui agissent sur lui et par lesquels il agit sur les autres (adjuvants ou opposants). Pour un système étatique ou social, les facteurs sont juridiques, économiques, culturels, sociologiques, historiques, territoriaux, psychosociaux…

Il est quand même remarquable que l’homme décrié par son appartenance à l’armée puisse être parmi les rares à demander le respect de la légalité, le respect du processus électoral et qui donne une définition correcte du système. Le système en termes politiques ou physiques n’est pas seulement l’homme ou l’avantage et le privilège qu’on remplace par d’autres. C’est une machine complexe qui demande de l’ingénierie de conception, de changement, de restauration ou de réparation. Où sont les ingénieurs sociaux et politiques en Algérie?

Le peuple est une entité imaginée, abstraite, incapable de conduire un système, de le rénover ou d’en inventer un autre. Les forces politiques issues du peuple, dans le sens de proximité sociale, de partage des intérêts et de convergence des désirs peuvent agir sur le système, le briser et le changer en agissant avec intelligence sur ses mécanismes, en déconstruisant ici et en reconstruisant ailleurs, en inventant des sous-systèmes, des dispositifs, des mécanismes. C’est un travail qui ne se fait pas ex nihilo et d’une manière chaotique. Face au chaos, l’ancien système continue à régir même s’il est obsolète. Face au changement, le peuple est le moteur du changement, il produit des élites qui débattent, il veille au fonctionnement du nouveau système, il donne la légitimité aux ingénieurs pour qu’ils ne soient pas des techniciens, des technocrates ou des bureaucrates, mais des hommes politiques au service de la Cité des hommes et non des serviteurs zélés des appareils.

Lorsqu’on donne au peuple le statut d’idole on le trahit et on le leurre en cultivant son imaginaire de star, alors qu’il s’agit de lui rappeler ses devoirs sans lesquels il n’ y pas de droits. Lorsque le peuple est amené à considérer tout le monde responsable, cela signifie qu’il n’y a pas de responsabilité légale. Le Prophète Mohamed (saws) ne s’est pas comparé de cette façon avec les polythéistes de la Mecque ni avec ses négateurs. Son problème majeur était de transmettre la vérité, pour cela ses armes n’étaient dirigées que contre ceux qui avaient pris les armes contre lui, à chaque fois que l’occasion se présentait, il choisissait la négociation, la paix, la trêve, le contrat, le dialogue.

Pour que les choses soient bien claires et dites sans arrières pensées et sans risque de mésinterprétation ou d’amalgames : le peuple fait partie du système, non seulement par son adhésion ou sa démission, mais par sa culture et sa mentalité collective. Les dirigeants d’un peuple ne viennent pas de Mars, de la France ou des États-Unis, mais de l’histoire et de la sociologie de ce peuple.

أَوَلَمَّا أَصَابَتْكُم مُّصِيبَةٌ قَدْ أَصَبْتُم مِّثْلَيْهَا قُلْتُمْ أَنَّىٰ هَٰذَا ۖ قُلْ هُوَ مِنْ عِندِ أَنفُسِكُمْ ۗ إِنَّ اللَّهَ عَلَىٰ كُلِّ شَيْءٍ قَدِيرٌ

{Lorsqu’un revers vous a atteint alors que vous-mêmes aviez déjà infligé à vos ennemis le double de ce revers, vous avez dit :  » D’où cela vient-il ?  » Réponds :  » Cela vient de vous-mêmes ! « } 3-165

Le peuple ou plus exactement la mentalité collective font partie du système, c’est l’ambiance de ce système. L’ambiance est plus déterminante que l’environnement, car ce dernier est lui-même déterminé par l’ambiance sociale et culturelle. Le « dégagisme » sans débat et sans alternative ne reflète qu’une ambiance d’irresponsabilité morale et d’inculture politique comme celle dans laquelle ont évolué les gouvernants et les élites intellectuelles, médiatiques et culturelles.

Si le peuple est quelque chose d’abstrait ou de fantasmé en termes politiques, sociaux et économiques, il a cependant une existence sensible sur un territoire, une langue et un environnement. Il a aussi une existence immatérielle par ce qu’on appelle la mentalité collective. Cette existence sensible et cette existence immatérielle est modélisable par la sociologie, les sciences politiques, la communication et la psychologie sociale. Ce modèle devient une sorte de système sur lequel on peut faire des essais, des simulations et des prédictions. Les étrangers et les experts marabouts nationaux connaissent ce système et peuvent le saper, le manipuler ou le détourner.

Ceci dit, quel est l’intérêt des Frères musulmans de ne pas débattre, de refuser la légalité, et de se faire l’écho du « peuple dégagiste ». Ils ont le droit de dire et de faire ce qu’ils veulent, j’ai le devoir de les contredire, car il s’agit de mon pays et de ma liberté qui ne doit rien à personne et qui n’attend rien de personne. J’aurais pu me taire s’il s’agissait de Ali Belhadj eu égard à sa souffrance, à son isolement, à sa radicalité et sa frustration politique, mais ici il s’agit d’appareils bourgeois et rentiers qui instrumentalisent la religion.

Les Frères musulmans (abstraction faite de leurs anciens comme Hassan Al Banna, Syaed Qotb, Mohamed el Ghazali, et ceux qui sont allés combattre l’entité sioniste) ont un complexe de frustration : Ils ont échoué tout ce qu’ils ont entrepris en Égypte, en Syrie, en Libye et en Tunisie. Ils sont en train d’échouer en Turquie. Ils ont une revanche stratégique pour ne pas être balayés par l’Histoire.

Ils sont convaincus qu’ils sont les meilleurs tout en étant opportunistes, cette confusion les met à chaque fois en position d’imposture et d’usurpation.

Ils ont trahi le mouvement islamique en Algérie en poignardant le FIS. Ils ont joué sur les contradictions au lieu d’aider leurs frères avant qu’ils ne commettent l’irréparable et de soutenir ceux qui ont subi la répression. Ils ont poussé à la faute, ils ont joué les délateurs et n’ont eu aucune compassion.

Ils ont trahi le peuple algérien en jouant le rôle d’interlocuteur valide non seulement du pouvoir, mais des services de sécurité. Ils ont partagé la rente et joué le lièvre pour faire triompher Bouteflika.

Ils ont soutenu le cinquième mandat et négocié avec Saïd Bouteflika alors que ce dernier n’avait ni statut ni compétence pour négocier. Les FM égyptiens avaient adopté la même pratique lors de la « révolution » égyptienne en négociant avec le patron des services Omar Suleyman juste avant que Moubarak ne soit démis de ses fonctions.

Ils ont soutenu l’agression de l’OTAN contre la Libye et la Syrie.

Ils ont refusé d’aller aux élections, car ils craignent le verdict populaire. Ils refusent d’y aller pour les mêmes motifs. Leur existence « politique » n’a été possible que par la rente et le système des quotas et de la cooptation.

Ils sont avides de pouvoir, mais ils n’ont pas de programme politique et économique à part un cahier d’intentions généreuses pour le « peuple ». L’expérience a montré que « l’islam est la solution » est leur problème sans solution, car ils ne produisent pas de l’ingénierie. Ils n’ont toujours pas compris que non seulement l’État islamique n’est pas dans le lexique et la sémantique coranique, mais que le Tamkine Dine Allah n’est pas l’Etat islamique, ni un préalable à la solution islamique, et encore moins une affaire de pouvoir politique.

Ils veulent donc utiliser la « rue » algérienne des grandes villes pour confisquer la fin de règne, se faire bonne figure et continuer d’exister.

L’intelligence et la probité d’un grand parti politique, la valeur morale de son encadrement, et les principes d’existence auraient exigé la tenue d’un congrès pour la nomination de nouveaux dirigeants, un examen de conscience et une demande de pardon au peuple algérien. Le Président Bouteflika a trouvé les mots pour sortir par la petite porte et laissé son bilan à l’analyse des experts loin de la démagogie. Quel est le bilan des Frères musulmans en Algérie ou ailleurs ?

Ils ont enterré l’Islam politique et ont découragé ceux qui croyaient que l’Islam est la voie vers la civilisation par la démocratie, la probité, la justice la liberté et le travail. Même le HAMAS palestinien se trouve de plus en plus rejeté par les populations arabes par ses tractations, sa bureaucratie et son avidité pour le pouvoir. La résistance palestinienne agit de plus en plus en autonomie par rapport aux Frères musulmans. Le Qatar et la Turquie sont exclus. L’histoire ne pardonne pas les égarements et les erreurs stratégiques.

Si demain, vendredi 05 avril 2019, les voix du peuple seront confisquées par les opportunistes et les revanchards, il me suffit d’avoir témoigné et averti. Chacun est libre de ses choix et responsables de ses actes.

Je ne suis pas la conscience populaire pour dire ce que dira demain le peuple. Il lui appartient de construire son destin comme en 1954, en 1962, en 1992 ou comme les Égyptiens.

Allah ne change pas la situation d’un peuple tant que celui-ci n’a pas changé ce qui est en lui.

Omar MAZRIALGERIE RUPTURE

Rédaction

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13 Commentaires

  1. La transition Par une drôle de coïncidence- certains appelleront cela de la prémonition-, quelques mois avant les événements d’octobre 1988, j’avais lu les six volumes de l’histoire socialiste (1789-1900) de Jean Jaurès, que j’avais hérités de feu mon père (cheminot délégué syndicaliste C.G.T de 1925-1952 au niveau du territoire militaire colonial de la ville colombe-Bechar au sud-ouest jusqu’à la ville de Mascara au nord du pays, ainsi pour son militantisme syndical il fût expulser de son pays l’Algérie).
    Ce n’est sans doute pas, tant s’en faut, le meilleur ouvrage qui ait été écrit sur le sujet. D’autres plus qualifiés que moi pourraient même y relever un certain nombre d’erreurs historiques, et le style de Jaurès n’a pas la subtilité de celui de Michelet. Ce qui me séduisit néanmoins dans ces livres, c’est d’une part l’évolution de l’élan révolutionnaire, que Jaurès, en socialiste, sait particulièrement bien rendre, et d’autre part, la description des différentes phases de la révolution, avec les personnalités que chacune d’entre elles a mises en relief. Cette analyse demeure sans doute par trop marxiste, en ce qu’elle sous-estime l’importance du hasard et le rôle des grandes individualités dans l’histoire. Cependant, elle possède bien quelque pertinence. Car dans tous ces processus d’accouchement d’un ordre nouveau à partir d’un ancien que sont les révolutions, il y a le temps de la rupture violente, qui est celui des rebelles et des « romantiques », puis celui du détachement progressif de l’ordre ancien et de l’émergence de personnalités un peu doubles, à mi-chemin des deux régimes ; enfin, l’instauration confuse du nouvel ordre, avec toutes les tensions contradictoire que cela suppose- réformatrices d’un coté, restauratrices de l’autre-, et la formation d’une classe politique. Je n’aurais pas le ridicule de chercher à tracer des parallèles avec la situation Algérienne. Les situations sont incomparables, mais il me semble tout de même que tous processus de passage d’un ordre ancien à un ordre nouveau partagent des mécanismes et des problèmes communs. A la base, la question est ailleurs, dans tous les cas, identique, et pourrait se résumer ainsi : comment faire surgir une nouvelle organisation à partir d’une ancienne. Ce problème, connu sous le nom de « transition » n’est plus aujourd’hui le simple sujet de motions théoriques et absconses pour congrès politiques. Il est devenu l’un des plus concrets et réel qui soient depuis que le globe terrestre c’est transformé en un petit village par la fantastique révolution technologique numérique, dans le cadre d’action progressiste démocratique et sociale. Le premier grand problème auquel, dés les premiers instants, ce processus s’est heurté en Algérie tient à la question de la représentativité de l’organisme chargé de préparer la première transition, en l’occurrence le régime en place, il fallait instauré l’assemblée constituante, celle qui aurait dressée une constitution sur les bases et les données de la plate forme du congrès de Soummam avec un gouvernement provisoire d’unité nationale dans lequel seraient entrées toutes les forces politiques Algériennes. Notre nation Algérienne subi les plus atroces difficultés par l’inconscience des gens au pouvoir ; mais je regrette encore que nous ne soyons pas arrivés à les surmonter. Car par là nous eussions sans doute gagné au moins deux décennies, ou plus, de processus démocratique, et épargné pas mal de déséquilibres et de convulsions à notre pays, telles ces quatre mandats présidentielles qui ont fait tant de mal à l’image de l’Algérie et à son économie. Ce n’étaient pas là, bien entendu, les meilleurs conditions pour attirer ces capitaux étrangers dont nous avons tant besoin. On peut bien sûr accuser tel ou tel leader politique de cette situation, se livrer au jeu coutumier de savoir à qui incombe la faute de ces incidents regrettables. L’exercice me semble, là aussi, assez vain. Je voudrais prendre plus de hauteur. Je crois en effet que ce qui se passe en Algérie n’est que la conséquence de cet héritage très lourd laissé par plus d’une cinquantaine d’années de dictature négative de la pensée unique. La paranoïa répressive du système de la pensée unique tel que le parti « bâathe Irakien » avait installé une espèce de vide politique absolu au sein de la société Algérienne. Depuis longtemps, les anciens partis n’existaient plus que dans la mémoire de leurs leaders vieillis ou bannis. Les syndicats et les organisations professionnelles et la société civile sont totalement embrigadés réprimés muselés, le personnel de l’Etat et du parti de plus en plus médiocre et corrompu, Il n’y a pas de dissidence organisée, seulement quelques sursauts d’honneur individuels et ponctuels de-ci de-là, et aucune grande conscience nationale morale incontestable comme notre regretté feu Hocine Aït Ahmed. Tout le monde, en Algérie, faisait et il fait le gros dos en attendant des jours meilleurs, se défendant avec la seule arme que lui avait laissée le système et qui est toujours la revanche de l’impuissance et du désespoir : l’humour… Je qualifié ce système de « pervers ». L’épithète est faible : la dictature de la pensée unique est un système profondément destructeur, qui a anéanti en nous toute volonté et même tout repère. Nous nous trouvions en permanence plongée dans une sorte d’irréalité politique, sociale et culturelle. C’en était au point que nous avons même perdu la signification des mots les plus simples, tels que « jeu démocratique » « accord », « le droit de savoir et le devoir d’informer », « le respect de l’échelle des valeurs civique et spirituelle », « le débat contradictoire avec le respect d’autrui ». Nous étions- et nous sommes encore partiellement- perclus de préjugé remontant à des temps révolus, qui n’ont même vraisemblablement jamais existé ailleurs que dans l’imagination de nos idéologues…. Un adversaire politique n’est pas forcément un ennemi, mais quelqu’un qui entretien tout simplement une autre vision de l’avenir du pays que la mienne, vision qui peut s’avérer tout aussi possible et légitime, et donc on peut donc discuter. Il ne pouvait y avoir au fond qu’une seule et indivisible « vérité », puisqu’elle est « scientifique ». Penser que cette vérité pût être chose relative ou, du moins, sur pas mal d’aspects, non définitive, donc sujette à négociations, ne fait pas partie de nos réflexes naturels. Dans le climat de paranoïa et d’autarcie dans lequel nous évoluions, c’est tout le contraire.
    Le consensus à tout prix mène à une vision de la lutte politique en termes d’affrontements, en fin de compte il y aura soit le blanc ou le noir. L’idéologie de la pensée unique, qui, même si nous la refusons consciemment, nous a profondément contaminés, en procédant sans cesse à une sorte de
    « militarisation » de nos comportements et de nos affects. C’est en aval, dans nos âmes, qu’elle a
    voulu régner. Et elle y est parvenue. Ce n’était pas la meilleure préparation pour la démocratie….
    Toute l’histoire perturbée de la première transition Algérienne, avec ses nombreux dérapages, apparaît au fond comme la résultante de cette situation culturelle. Dans ce système sans plus de référents fixes, il n’a que la force, et les manœuvres politiciennes. Chacun pouvant prétendre dans ce cas détenir à lui seul la vérité. Bref c’est non seulement le vocabulaire, mais aussi le terrain même. Certains ont même pu dire cyniquement qu’il faudrait sans doute plus d’une génération pour que les choses redeviennent normales chez nous, tant nous avons oublié la différence entre le « normal » et l’ « anormal ». La société que le parti unique et sa pensée nous a laissée en partage évoque une sorte de théâtre d’ombres, sur la scène duquel nous nous affrontions à coups d’images passées et tellement « idéologisées » qu’elles en devenaient totalement irréelles et fausses. Ce qui nous manque actuellement, c’est l’essentiel, l’indispensable, et presque le plus simple : un terrain sur lequel puisse se déployer un débat qui ne soit pas seulement imaginaire. L’objectif, est tout simplement de faire naître un espace des idées et débats constructives pour en finir avec ces querelles vaines et dépassées, entre l’ancien et le nouveau, pour affronter enfin les vrais problèmes qui posaient à l’Algérie : comment restaurer la compétitivité si basse, presque inexistante, de l’économie Algérienne sur le marché international ? Comment assurer notre développement Agricole, industriel et financier en assurant l’autosuffisance alimentaire du peuple ? Comment rejoindre le club des pays émergents ? Et ainsi de suite, il s’agit d’assainir, de déblayer le terrain des vestiges idéologiques qui l’encombrant et le fasse de toutes part, de le concrétiser, de remplacer, comme on dit parfois, notre société entièrement politique par une véritable société civile, avec un Etat dirigé par des forces politiques soumises au suffrage universel (sans triche, ni fraude électorale, ni bourrage des urnes, ni jonction administrative)- autrement dit, tout ce que l’on appelle la « démocratie réelle ».
    Impérativement, en somme d’initier une espèce de « mécanisme autoproduit » qui, de proche en proche, devrez « désidéologisé » de fond en comble notre société pour la ramener à la réalité et l’urgence des vrais problèmes. Donc, il faudrait en effet casser à tout prix cette structure d’ensemble paranoïaque et schizophrène qui ne cessait de se cacher à elle-même les vrais enjeux pour sombrer dans des combats idéologiques mensongers et superflus. Pareille en stratégie économique s’appuie sur un mécanisme neutre et incontestable, celui du marché, d’ailleurs le couple démocratie/économie du marché sont inséparable. Le marché parce qu’il traduit un strict mécanisme rationnel d’allocation de ressources, n’a pas en soi de couleur politique (Maurice Allais prix Nobel d’économie), l’économie du marché elle n’est, par nature, ni de droite ni de gauche, alors que le dirigisme économique, lui, suscite toujours la constitution ou, du moins le renforcement des régimes autoritaires. Lorsque les critères d’allocation de ressources dans un pays sont politiques et non strictement économiques, cela fait forcément naître, ou ne peut que la renforcer si elle existe déjà, une caste bureaucratique qui cherchera à « verrouiller » son pouvoir au niveau politique, à traduire en termes de hiérarchie ses prérogatives décisionnelle dans l’économie. Ainsi se met progressivement en place cette confusion, qu’ont connue tous les régimes totalitaires.
    Bien sûr, le recours au marché entraîne parfois, en des moments déterminés, des injustices et des déséquilibres passagers qui peuvent néanmoins s’avérer fort douloureux et dangereux. Il appartient à l’Etat d’en réduire, autant que faire se peut, les conséquences concrètes. Il doit ajouter aux lois du marché ce qui s’appelle une « composante sociale », intervenant quand ces lois menacent par trop le bien national ou les conditions d’existence de telle ou telle partie de la population. Mais, pour le reste, en temps normal, il doit se contenter de faire en sorte que le marché puisse fonctionner au mieux de sa rationalité naturelle.
    En l’Algérie, il s’agit certainement de son « libéralisme », « néo », ou « ultra » et aussi « sauvage », qui avalise les enrichissements rapides et sans travail, par pure spéculation ou système « D ». Ceux-ci en produit des phénomènes de la petite mafia urbaine des changeurs d’argent au noir et de la grande, dont on parle moins parce qu’elle est moins voyante, mais dont le poids économique est infiniment plus important. Si l’on veut s’attaquer sérieusement à ces problèmes et pas seulement de façon démagogico-populiste, qu’on ne le fera pas au moyen d’une limitation des lois du marché mais, au contraire, par leur libre exercice généralisé. L’affairisme profite toujours du climat de clair-obscur qui existe entre deux ordres sociaux, quand, du neuf n’ayant pas encore pris totalement la place de l’ancien, les règles de fonctionnement demeurent floues, instables, contradictoires, voir doubles. En d’autres termes, plus rapides nous serons à imposer un jeu clair des lois du marché, plus vite nous ferons disparaître ces situations abusives. La chose est particulièrement évidente en ce qui concerne le problème des changes monétaires. Car c’est tout de même la non convertibilité du Dinar et l’existence de deux marchés l’un intérieur, l’autre extérieur, aux taux profondément divergents, qui avaient fait naître le marché noir. Pour toute notre économie, il n’y a pas mille alternatives en la matière : soit nous restons de façon autoritaire, donc politique, l’économie, et nous assumons l’autarcie, les doubles marchés, la bureaucratie, le renforcement de l’Etat et, l’absence de liberté, c’est-à-dire le cautionnement de la mafia politico financière ; soit nous sommes capables d’instaurer les réelles lois du marché, et alors nous pourrons conquérir la démocratie. Reste, bien sûr, l’épineux problème des structures en place du régime actuel, qu’il faudra bien, un jour ou l’autre, totalement démanteler. C’est tout le problème, gigantesque, de l’épuration de la société Algérienne de la pensée unique et de l’idée d’un Etat providentiel. Mais nous acceptons le pardon, mais non pour l’oubli ; pour la punition, mais contre toute revanche et tout lynchage. Felipe Gonzalez, en chef de gouvernement donc, donc, dans sa province natale d’Andalousie pour une visite officielle, il avait été accueil à sa descente d’avion par l’ancien commissaire qui sous le régime franquiste, alors qu’il n’était encore qu’un jeune avocat progressiste démocrate dans l’opposition, l’avait arrêté et interrogé à plusieurs reprises. Celui-ci n’en menait pas large, comme on peut le comprendre. « Ne t’inquiète pas, lui dit alors Gonzalez, tout cela est une époque révolue…. J’espère seulement que tu mettras autant de loyauté, sinon plus, à servir la démocratie que tu en mettais jadis à exécuter les ordres du pouvoir franquiste…. » Ainsi qu’il faut se comporter de même en Algérie ; laisser leur chance, aux fonctionnaires de l’ancien régime qui n’ont fait qu’accomplir leurs charges administratives, de se racheter en mettant leurs compétences au service du nouveau régime démocratique – tout en poursuivant bien sûr, impitoyablement mais justement, ceux qui auraient profité de leurs pouvoirs à des fins personnelles. Et la polémique, à propos de la responsabilité de certains hauts membres publics au service de ce régime en place ; est là pour le rappeler – que le partage n’est pas toujours facile à effectuer dans la réalité. Où finit la responsabilité collective ? Où commence l’individuelle ? Est-il normal et juste de bénéficier encore de l’impunité de l’exécutant quand on a appliqué des ordres infâmes ? Un fonctionnaire n’a-t-il pas, en tant que citoyen, un devoir à la conscience ? Long et douloureux débat. C’est à la justice d’en décider en son âme et conscience.
    Il faut de toute façon éviter ces procès d’intentions et ces soupçons où l’Algérie a tout à perdre, et d’abord sa cohésion si fragile encore. L’urgence aujourd’hui, est de redonner confiance en elle-même à l’Algérie, de lui faire retrouver ses marques. La replonger de nouveau dans un climat de suspicion généralisé où elle n’a que trop macéré par le passé n’en saurait constituer le meilleur moyen. C’est pourquoi qu’il est rationnel d’être en faveur d’une épuration circonstanciée et légale, soumise à la justice ; et non généralisée et sauvage, au nom d’un introuvable « peuple ». Car la tâche qui nous attend est des plus exaltantes, mais aussi des plus périlleuses : elle consiste tout simplement à réintroduire l’Algérie dans le monde moderne. Ce processus ne pourra être que long, lent et difficile sûr tout dans le domaine économique. Et s’ouvre devant nous un véritable « désert » à traverser, qui est l’exact situé entre les deux régimes. Cela représente un défi et une épreuve redoutables ; et pour la surmonter tous deux, il nous faut partir armés d’un consensus profond et de longue haleine, qui demande une mobilisation de toutes les forces de progrès de la société Algérienne. Pour ce faire, nous devons avoir en Algérie des partis forts et représentatifs de la population. Car il faut à tout prix remplir le vide politique instaurer cyniquement par la pensée unique du régime en place, sous peine qu’il ne devienne la proie de toutes les tentatives populistes et démagogiques.
    Au contraire aujourd’hui, c’est que le jeu politique est collectif, qu’il est, pour reprendre un terme de mathématique, un jeu à somme non nulle, productif, où tous les partenaires peuvent accroître leur gain ; bref, que plus nous aurons des partis puissants et solidement ancrés dans la population, mieux nous serons à même de bâtir une démocratie forte et d’éloigner le danger hélas ! Toujours présent dans notre pays et d’un prolongement autoritaire. A ce danger, toujours possible, il faut que les hommes politiques Algériens, sachions opposer la force d’une idée collective, qui représente le meilleur antidote à la résurgence de toutes dictatures, et à la réalisation de laquelle tout notre pays doit participer, car elle concerne non seulement son avenir lointain, mais aussi son présent. Bref, la question du qui gouvernera doit s’effacer devant celle du pourquoi, que les partis politiques Algériens abandonnera leurs positions purement vindicatives et idéologiques pour se doter, en véritable opposition, d’un programme de transformation de la société. Telle est la responsabilité qui incombe aujourd’hui, tous les hommes politiques Algériens. Elle est grande, écrasante même. Et il faut savoir que si, pour une raison ou pour une autre, vous vous dérobiez, nos descendants ne le comprendront pas et vous renverrons dans les oubliettes de l’histoire. Le consensus « arc-boute » sur le mot clé de « réforme ». Il s’agit là en effet d’une des rares notions – peut-être même la seule – à n’avoir pas été accaparée dans le passé par l’un des deux systèmes concurrents, pensée unique et capitaliste. Ce n’est pas pour autant une notion neutre, incolore et indolore. Elle signifie seulement la volonté de traiter, les vrais problèmes sans a priori, sans solutions toutes faites, mais, au contraire, grâce à un examen lucide et raisonné des enjeux entre des forces responsables prêtes à travailler ensemble, sans oublier pour autant ce qui les sépare. Bref, la réforme équivaut à la démocratie vivante, en acte, en marche, et l’exact inverse de cette utopie désastreuse qui a pris pendant soixante ans le nom trompeur de « pensée unique avec une vision totalitaire ».

  2. Bonjour, monsieur Semghouni.
    Je partage votre analyse. Je vais mettre de l’eau à votre moulin en revenant sur quelques points en plusieurs parties :
    1- l’importance du hasard et le rôle des grandes individualités dans l’histoire.
    Oui !
    Lorsqu’il y a une crise installée dans la durée, cela signifie que le système (gouvernants ou gouvernants-gouvernés) se déchire et qu’il est inapte à trouver une solution ou à arbitrer les conflits. La méta histoire ou la mystique de l’histoire impose alors ses solutions et elle le fait souvent par la venue d’une grande figure qui se démarque par son charisme, sa vertu ou son vice et sa détermination. Parfois ce sont les forces étrangères qui imposent l’interlocuteur validé par leurs services. La solution imposée peut-être punitive contre l’insenséisme ou salutaire pour réveiller les consciences.
    2 – Le premier grand problème auquel, dés les premiers instants, ce processus s’est heurté en Algérie tient à la question de la représentativité de l’organisme chargé de préparer la première transition, en l’occurrence le régime en place, il fallait instaurer l’assemblée constituante, celle qui aurait dressée une constitution sur les bases et les données de la plateforme du congrès de Soummam avec un gouvernement provisoire d’unité nationale dans lequel seraient entrées toutes les forces politiques Algériennes.

    Ma Réponse
    Le PCA puis le PAGS revendiquaient la transition démocratique, mais le problème était posé en termes politiques alors qu’il se posait sur le plan civilisationnel : depuis la renaissance occidentale, le monde musulman opérait sa décadence et se faisait coloniser sans jamais être capable de penser en autonome une transition vers la Modernité. Ce n’est pas imputable à l’Islam, mais aux musulmans qui ne produisaient plus de pensée.
    Le problème se posait en termes totalitaires : le FLN et le pouvoir de fait ne voulaient pas redonner aux partis fédérés par la guerre de libération leur autonomie doctrinale et organique.
    Pour les mêmes raisons idéologiques et par la sédimentation de l’ignorance (sur le plan de la doctrine et de la théorie) tout le monde évoquait le congrès de la Soummam, le premier novembre et la charte de Tripoli, mais chacun s’appropriait exclusivement leur contenu tout en rejetant l’autre. La pensée éradicatrice, l’exclusive et l’autarcie sont ancrés dans nos « coutumes » politiques avec leur lot de marabout et de foire. Il y a un consensus formel et précaire, mais jamais fondateur.
    La Constituante suppose l’existence de forces politiques qui trouvent un consensus sur le contrat social et la manière de gouverner. Ces forces politiques défaillantes, hyper idéologisées avec un peuple mis en situation de délire, si jamais elles abordent la Constituante c’est l’Algérie qui va voler en éclats, car chacun va aborder les sensibilités nationales de l’Algérianité selon ses propres prismes. Nos conditions historiques, sociales, géopolitiques et culturelles sont différentes de l’État nation français, nous devons inventer notre propre voie. Pour l’instant l’urgence est de revenir à l’État de droit et aux élections. Le cadre apaisé, légal et légitime devrait promouvoir les partis politiques et les élites intellectuelles et juridiques pour repenser la Constitution dans un cadre constituant ou autre cadre référendaire par exemple.
    Il n’y a pas de vérité absolue en la matière, mais l’efficacité, la priorité et la réalité doivent primer sur les schémas théoriques et les importations de modèles.
    Toutes les importations et les adaptations ont échoué. Il nous faut créer les conditions préalables à la créativité et au débat enrichissant.

  3. 3 – Oui vous avez raison sur la coexistence et le chevauchement du fait révolutionnaire avec le fait évolutionnaire. Le premier casse l’ordre ancien, le second construit l’ordre nouveau. Dans les deux cas il y a un rapport de forces et un rapport d’intelligence. Les forces les mieux organisées et les plus conscientes de leur situation de classe parviennent à imposer leur agenda, même sil elles n’ont pas été les plus visibles et les plus actives. Elles disposent de l’argent, des relais médiatiques, des intelligences et du rôle historique. Karl Marx a parfaitement décrit le processus dialectique historique, bien entendu il ne pouvait voir la dialectique que sous l’angle matérialisme et la finalité historique que sous l’angle de la domination de classe ou plus exactement la fin de la lutte des classes. Nous sommes dans l’utopie.
    J’ai l’intime conviction, comme vous l’avez souligné, qu’il y a d’autres facteurs comme le hasard et l’individualité. Le hasard est une loi déterministe qui échappe à notre connaissance à un moment donné. Je pense que l’histoire humaine est régie par une autre loi, celle de la mutation qui réalise un gap technologique, scientifique, philosophique, intellectuelle transformant radicalement les modes de vie et de pensée. A titre d’exemple l’intervention des Prophètes, l’intervention de forces occultes, cataclysme…. Il y a un grand dessein historique qui se réalise par différentes voies, mais partout obéissant au même but : le rapport dialectique de l’utile et du nuisible, de l’existence à la non existence, de la civilisation à la décadence, du salut à l’effondrement, du durable à l’éphémère, du mouvement à l’inertie, du nouveau à l’ancien…
    Celui qui parvient à se libérer de l’esprit partisan et de l’esprit sectaire parvient à se rapprocher davantage de la vérité en devenant moins aliéné par l’immédiateté et l’intérêt.

  4. 4 – la revanche de l’impuissance et du désespoir : l’humour…
    Oui, une sorte de catharsis sociale par la dérision. Lorsqu’elle dure, elle se transforme en démission, parfois en révolte ou en délire sans conséquences, sauf que donner de la « légitimité » à ceux qui se réclament de l’autorité de l’État (haybat dawla) pour la répression sauvage et le passage en force des compromis historiques qui font réduire la souveraineté nationale et adopter des lois scélérates anti sociales et anti économiques.
    Oui vous avez bien exprimé le problème : système de « pervers », pas de dissidence organisée, seulement quelques sursauts d’honneur individuels et ponctuels de-ci de-là

  5. 5 – médiocre et corrompu
    Tel est le système qui avilit l’homme, lui confisque ses libertés et lui interdit l’exercice de ses devoirs. Médiocrité et corruption sont ce qui frappent le plus lorsqu’on a passé près de quarante ans à servir l’État sans parvenir à faire quelque chose de bien et de durable. Tout est sapé, pire que la trahison ou la colonisation. Sans force mentale on devient fou, on se suicide ou on cède à la corruption et à la médiocrité. Il est faux de considérer l’Algérie comme un conflit générationnel. Les pervers et les vertueux sont dans toutes les tranches d’âge, dans toutes les idéologies et dans tous les secteurs civils et militaires, économiques et juridiques. Les intègres compétents sont minoritaires.

  6. 6- Entièrement d’accord avec vous :
    Ce qui nous manque actuellement, c’est l’essentiel, l’indispensable, et presque le plus simple : un terrain sur lequel puisse se déployer un débat qui ne soit pas seulement imaginaire. L’objectif, est tout simplement de faire naître un espace des idées et débats constructives pour en finir avec ces querelles vaines et dépassées, entre l’ancien et le nouveau, pour affronter enfin les vrais problèmes qui posaient à l’Algérie : comment restaurer la compétitivité si basse, presque inexistante, de l’économie Algérienne sur le marché international ? Comment assurer notre développement Agricole, industriel et financier en assurant l’autosuffisance alimentaire du peuple ? Comment rejoindre le club des pays émergents

  7. 7 – remplacer, comme on dit parfois, notre société entièrement politique par une véritable société civile, avec un Etat dirigé par des forces politiques soumises au suffrage universel

    Oui, je suis partisan de plus de société et moins d’État. L’État, émanation des forces politiques réelles au service du peuple devrait se consacrer à ses fonctions symboliques : battre la monnaie et la protéger, lever l’impôt et le redistribuer pour plus de solidarité et davantage de justice sociale, défendre l’intégrité territoriale, rendre justice, assurer l’ordre et la sécurité.
    Il faut donc redéfinir l’État, redéfinir la démocratie, refonder la République.

  8. 8 – a propos du marché :
    La stratégie économique s’appuie sur un mécanisme neutre et incontestable, celui du marché, d’ailleurs le couple démocratie/économie du marché sont inséparables. Le marché parce qu’il traduit un strict mécanisme rationnel d’allocation de ressources, n’a pas en soi de couleur politique.
    Il doit ajouter aux lois du marché ce qui s’appelle une « composante sociale », intervenant quand ces lois menacent par trop le bien national ou les conditions d’existence de telle ou telle partie de la population.
    —————————————————
    Réponse OM
    Oui le marché est déterminant car c’est pas son intermédiaire que se réalise l’échange et la valeur des biens et services et qu’on mette fin à l’absurdité d’une économie administrée. L’État doit se consacrer à ses fonctions essentielles par l’application du code du commerce
    a/ veiller à ce qu’il n’ y ait pas de monopole
    b/ veiller à ce qu’il n’ y ait pas de fraude et de dol
    c/ veiller à ce qu’il n’ y ait pas de corruption ou de collusion d’intérêts
    d/ veiller à ce qu’il n’ y ait pas abus de biens sociaux ou d’illégalités des transactions et des soumissions
    e/ veiller à la transparence des prix
    f/ veiller à la vérité des prix et à la véracité des factures
    g/ veiller à la juste rémunération. Le vendeur et le consommateur doivent être liés par une déontologie d’avantages réciproques. Les prix doivent être rémunérateurs pour le producteurs. Les prix doivent refléter le risque et le travail réel du commerçant.
    h/ toute transaction doit être fondée sur un contrat avec son prix, son objet et ses clauses de garanties
    i/ l’activité commerciale relève de la justice qui donne agrément ou le retire
    j/ séparation entre l’activité économique et la vie politique ou administrative
    k/ le système bancaire doit être moderne, autonome et responsable de l’octroi des crédits ou des facilités de paiement
    l/ l’artisan, le producteur et l’investisseur doivent disposer de la ressource en devises ou du dinar convertible dans un marché financier transparent et légal
    m/ Le marché des biens est services ne doit pas relever de la spéculation, du marché noir ou de la financiarisation.
    n/ les acteurs du marchés doivent être syndiqués, formés à l’exercice de leur métier
    o/ les prix ne doivent pas être administrés, mais refléter la réalité de l’offre et de la demande. L’État, par la fiscalité, les aides et les subventions peut après débat et sous contrôle parlementaire, agir sur l’offre et la demande ainsi que sur l’investissement (social ou productif) afin de protéger l’économie nationale, relancer un secteur ou protéger les plus faibles et les plus démunis.

    Vous avez raison, cela semble facile sur le plan de l’énoncé, mais difficile sur le plan de la pratique, car il nous manque la culture étatique avec la propension à l’enrichissement rapide et illégal.

  9. 9 – le marché noir de la devise
    Oui il faut mettre fin à la dualité des marchés intérieurs et extérieurs en prenant des mesures économiques et légales :
    1 – instauration du dinar convertible pour les producteurs et les commerçants pour financer leur activité. Droit au change plafonné, mais suffisant pour le touriste qui part en vacance (1 ou 2 mois de son salaire annuel par exemple)
    2 – se remettre à travailler et s’émanciper de la rente pour disposer non seulement de ressources disponibles mettant fin à la pénurie, mais de productivité du travail pour dégager le surplus économique.
    3 – lutte contre la corruption et l’opacité des transactions commerciales et financières par la pratique réelle de l’économie et l’échange des biens et services
    4 – redéfinir le partenariat étranger sur des bases économiques sans affectif ni piston ni sabotage. Cela fait plus de quarante ans que les grandes sociétés allemandes n’arrivent pas à se placer dans l’industrie et le commerce, malgré leur qualité et leur compétitivité sur le plan des prix.
    5 – Exporter la production algérienne, mais il faut d’abord produire des richesses exportables, disposer du management mercatique et travailler dans la concurrence. La concurrence en interne ou en externe permet de réduire la corruption et la médiocrité.
    6 – L’État n’intervient que par les lois et règlements, le reste relève des agents économiques dans le respect du code des douanes, du code du commerce et de la loi sur la monnaie et le crédit. Il faut donc une démocratie qui libère les forces productives et donne les garanties du bon fonctionnement des institutions. Dans ce cas, il n’ y a plus de recours à la dérogation et à l’exception qui ouvrent la porte au clientélisme et à la corruption.

  10. 10 – l’épuration.
    Il faut aller à la solution la plus simple et la plus économe : Revenir à la légalité et appliquer le principe de la séparation des pouvoirs. Seule la légalité conjuguée à la légitimité et à la compétence peuvent faire émerger une justice équitable et juste. La refondation de la Justice avec deux pôles indépendants l’accusation d’un côté et la défense de l’autre peuvent garantir une justice forte et compétente à épurer l’administration, l’économique, le politique et le social de la corruption, de la malversation et du sabotage.
    Une brigade anti corruption pourrait voir le jour en s’appuyant sur une partie des forces sécuritaires (le BRI), des juges, des journalistes d’investigation, des parlementaires, du fisc et de la douane et de la société civile (association anti corruption).
    Il y a du travail et des perspectives. Il faut œuvrer avec méthode et légalité.

  11. 11 – Le pourquoi, le qui ?

    La question du qui gouvernera doit s’effacer devant celle du pourquoi gouverner. Oui je suis à 100 % d’accord avec vous. Lorsque le Pourquoi règle le problème de la finalité (philosophique ou démocratique) alors le Comment déterminera les mécanismes, les règles et les lois (techniques et sciences). Le qui ne sera pas compliqué puisque les critères du Pourquoi et du Comment ont été posés. Logiquement le plus compétent, le plus légal et le plus légitime devrait s’imposer comme étant l’acteur le plus opportun, le plus pertinent et le plus efficace.
    La culture de la pensée unique refuse cette démarche logique et saine. Elle préfère faire diversion en mettant en avant le choix des hommes et en faisant revivre le culte de la personnalité.
    L’idée, le projet et le débat doivent primer sur toute autre considération. Est-ce que nous avons l’intelligence, le désir et la liberté d’aller dans cette voie de salut ? Je ne sais pas, mais je le souhaite.

  12. 12 – Le Changement
    Oui effectivement le changement est compliqué et difficile. Il n’y a pas de recette car il exige la conjugaison des facteurs psychologiques, sociologiques, économiques, politiques, informationnels et culturels. Personnellement, j’ai abordé cette problématique sous plusieurs facettes, je n’arrive pas à en cerner tous les aspects et par souci de méthode je suis obligé de me limiter à un registre à chaque fois par souci de communication.

    En écrivant ou en débattant j’ai constaté que les gens attendent une recette comme si la vie humaine pouvait se résumer à un plat cuisiné, congelé qu’il suffit juste de réchauffer. Lorsque vous sortez du cadre « idéologique » ou sectaire vous êtes accusés de privilégiés du système.
    Avec un revenu mensuel de 300 euros après plus de quarante ans de travail, est ce qu’il est nécessaire de se défendre ? Est-il utile de se fatiguer les yeux et la tête pour ne trouver que de l’indignation et de la frustration ? Il y a des moments où on doute de soi, même avec la certitude d’avoir une excellente lucidité et un réel désintéressement mondain.
    En tous les cas, je vous remercie pour votre intervention combien riche et enrichissante.

  13. 13 – Sur la réforme. Oui dans notre référence idéologique on ne parle que de la Renaissance et de la Modernité, alors que les Réforme et les mouvements réformistes anglais et allemands ont remodelé la culture, la politique et l’économie mondiale.
    Le Coran nous donne à méditer la situation réformatrice (Al Islah) du Prophète Choaïb en lutte contre la pensée unique antithèse de la civilisation. Les intégristes et les paresseux de l’Islam ont voulu confiner la réforme prophétique à son seul aspect moral (l’homosexualité). La grammaire de la civilisation leur manque pour comprendre la portée du message prophétique et son caractère profondément humain par le drame qui se joue entre un réformateur et une majorité d’inerties :
    {Je ne désire que la Réforme dans la limité de mes possibilités}
    Vous avez raison l’imagination ou l’interprétation décontextualisée ne peuvent appréhender al Haqq compris comme vérité indissociable de la réalité et vérité qui scrute la réalité, car la Vérité est trop absolue pour que nous puissions la cerner dans son essence.

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