Au lieu de mettre en opposition Boudiaf avec Benbadis dans une période aussi incertaine que celle que nous vivons en ce début de 2019, les auxiliaires médiatiques de l’éradication auraient été bien inspiré en se consacrant à la vérité :
La vérité historique :
Boudiaf est un chef historique, il mérite notre respect et notre gratitude. Cependant il n’est ni Prophète ni doctrinaire exceptionnel ni monopole de la Révolution algérienne pour en faire une référence par laquelle nous jugeons nos figures historiques.
Par ailleurs peut-on en toute probité intellectuelle imputer les sources de la révolution algérienne à quelques figures laïques, inspirées des modèles français et bolchéviques, et exclure les figures religieuses qui ont maintenu intact la résistance à l’occupation à l’instar de Cheikhs Al Mokrani, Belhadad, et tant d’autres …
Peut-on qualifier le martyr Mustapha Benboulaid de laïc opposés aux Oulémas ?
Peut-on exclure Abassi Madani du mouvement national ?
L’histoire ne peut se contenter de raccourcis idéologiques et de désinformation partisane
La vérité idéologique :
L’appel du premier novembre 54 et la Charte de Tripoli ont été rédigés et proclamés de manière à ce que tous les Algériens, du communiste à l’islamiste, soient impliqués dans l’effort de guerre de libération. Peut-on raisonnablement croire que le mouvement national soit né ex nihilo à partir du néant. Le mouvement identitaire – confondu avec la lutte contre le maraboutisme et la lutte d’alphabétisation et de récupération de la personnalité algérienne (Arabe et Islam) ainsi que la lutte contre le projet de division des Algériens entre Kabyles et Algériens – s’est toujours manifesté avant les Ouléma qui n’ont fait que prendre le relais. Les grands centres religieux de Kabylie, des Aurès, de Mostaganem, de Tlemcen, de Ksar Boukhari, de Miliana, etc., ont joué la pépinière.
C’est dans cette ambiance de défense de la personnalité algérienne que le Parti communiste s’est trouvé divisé entre deux visions. Une vision qui voyait l’avenir de l’Algérie dans celui de la France avec le triomphe international de la dictature du prolétariat. Une vision qui voulait l’autonomie de pensée par rapport à la France. Elle s’est appuyée sur les résultats des réformateurs musulmans et sur le contact des Algériens résidents en France avec les syndicats de travailleurs. Ainsi est né l’UGTA que les éradicateurs et les rentiers ont transformé en instruments de pouvoir et de lutte idéologique à la fin des années 80.
La vérité démocratique :
Boudiaf a été bien inspiré de dissoudre son parti le PRS lorsqu’il a vu le peuple algérien uni autour de Boumediene et tout particulièrement lors de la liesse populaire lors de son enterrement. Il n’a pas été bien inspiré lorsqu’il a consenti à répondre au conseil supérieur des Eradicateurs qui ont conduit l’Algérie à sa perte et qui ont rendu la gouvernance de Bouteflika une « nécessité historique ».
Peut-on se réclamer de la démocratie et de la République en sollicitant un État d’exception qui ramène un ancien historique et l’installe aux commandes suprêmes comme s’il était de droit divin, un Messie ?
Boudiaf, en disant à la télévision française qu’il n’avait pas pu réunir 60 cadres compétents, visait-il les décideurs militaires algériens, les cadres supérieurs ? La vérité de situation était que l’Algérie était sous emprise des laïcistes qui se sont emparés du pouvoir algérien et de sa bureaucratie ainsi que de ses appareils économiques et informationnels. Ces laïcistes francophiles, « marocanistes » et « berbéristes » ont pris le pouvoir de trois façons : la première par la domination des « petits lettrés » sur les Moudjahidines et le peuple analphabètes en majorité ; la seconde par le noyautage méthodique des centres névralgiques, la troisième par la manipulation du jeu des contradictions que Boumediene entretenait pour conserver l’unité de l’Algérie et mener ses projets de développement mégalomanes.
Durant cette période, celle du soutien critique, les Oulémas algériens et les Communistes algériens qui ont rejoint le FLN et l’ALN, ont été mis « hors d’état des nuire » par assignation à résidence surveillé et autres vexations. Le vide laissé par ces grands courants politiques et idéologiques et la transformation du FLN en caisse de résonnance du pouvoir ont facilité l’étranglement de l’Algérie : on a détruit la langue nationale, l’islamité livré aux saoudiens et aux égyptiens, l’économie et la culture aux prédateurs laïcistes.
La vérité juridique et les droits de l’homme :
Nos partisans éradicateurs qui se cachent derrière la mémoire de Boudiaf, occultent les réalités qui vont les terrasser. La première réalité est celle d’avoir laissé Boudiaf se faire conduire à l’abattoir pour abattre l’Algérie et ne pas ouvrir les dossiers de corruption ainsi que les questions de trahison (collaboration avec l’étranger). La seconde réalité est que ces imposteurs de la démocratie et ces usurpateurs de républicains n’ont jamais défendu ni honoré la mémoire de Boudiaf, ils se contentent de l’instrumentaliser à des fins politiciennes. Ils ont instrumentalisé Nezzar, mais maintenant Gaïd Salah semble exiger des comptes rendus sur la décennie noire et ses instigateurs, ses défendeurs, ses profiteurs.
Les seuls droits de l’homme sont celles qui consistent à fabriquer des victimes et à vivre médiatiquement et politiquement à leurs dépens. Ici nous sommes dans la haute voltige de l’Islamophobie dont la tête pensante est américano-sioniste. Les « intellectuels » arabes ne sont que des pantins qui répondent aux injonctions et aux incitations.
La vérité sur Boudiaf telle que ressentie par la majorité du peuple algérien s’exprime de quatre manières :
L’impuissance et la hogra devant sa mise à mort en direct. Le peuple demandera des comptes.
Le mépris et le refus de Boudiaf de dialoguer et de négocier avec le FIS pour mettre fin à la crise politique et à la guerre civile. Le peuple sait qu’on a menti à Boudiaf. Le peuple sait que les médias à la solde des éradicateurs entretenaient un climat de guerre civile et emprisonnait Boudiaf dans un enclos idéologique.
Boudiaf, que Dieu ait pitié de son âme, était hostile au religieux par ses convictions idéologiques et par les repères de la révolution française que le colonisateur a laissé dans nos consciences d’écolier. Nos révolutionnaires, en dépit de leurs sacrifices, restent de petits écoliers avec de petits niveaux et de petits horizons. La France a rendu impossible l’émergence de cadres compétents idéologues du fait de la nature de sa colonisation : Colonisation de peuplement, donc d’éradication. Ce n’est pas une critique, mais un fait. Boudiaf pouvait être excusable, mais les intellectuels de l’indépendance ne le sont pas et en particuliers ceux qui se sont mobilisés pour reconnaitre le rôle civilisateur de la France, accepter que sa langue soit un butin de guerre, jouer le rôle de relais (idiot utile).
Boudiaf, à la veille du déclenchement de la Révolution, a fait rédiger un appel, de Constantine, pour demander aux femmes algériennes de rejoindre la Révolution en jetant leur voile et en s’émancipant des traditions rétrogrades. Le destin a voulu que les jeunes étudiants chargés de rédiger l’appel, non seulement ont refusé de le rédiger dans ses termes, mais ont Blâmé Boudiaf en lui disant qu’il était paradoxal de demander la collaboration des femmes tout en les insultant, qu’il était stupide de toucher à la personnalité de la femme algérienne alors que celle-ci va enfanter les héros de la révolution, va nourrir, soigner et cacher les résistants.
Boudiaf est respectable mais n’est pas sacré. Chacun de nous a des faces lumineuses et des arrières faces ténébreuses. Faisons-en sorte que nos figures glorieuses soient épargnées du comportement néfaste et irresponsable de certains de nos compatriotes. Décrivons les processus et les idées, mais en respectant la vérité et le contexte historique ou social.
S’il vous plait un peu de dignité : Pas de manipulation et pas de guerre fratricide. Pensez plutôt à faire votre mea-culpa sinon à préparer votre défense devant ce peuple que vous tentez de pousser à l’irrémédiable.
Les Algériens, s’ils veulent éviter l’instrumentalisation et la manipulation, devrait renouveler le serment des Chouhadas et refonder l’Appel du 1ER Novembre hors de toute confusion et de tout faux ou fragile consensus. La démocratie c’est le primat de la majorité et non la dictature d’une minorité.
Les experts en syllogismes fallacieux doivent s’inspirer du dicton arabe « si tu habites une maison de verre, ne donnes pas de caillou à ton voisin ». Ils devraient plutôt s’interroger sur la réalité : Si le peuple semble embarqué dans un dissipation d’énergie festive qui permet de dire tout et son contraire et de profiter de la confusion pour imposer son agenda idéologique, il y a des Algériens encore lucides et responsables qui observent vos agissements irresponsables. La réalité sociale est changeante, la prise de conscience est en train de s’opérer…
Omar MAZRI