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samedi 20 avril, 2024

Prière du vendredi à Sainte Sophie Istanbul

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Les réactions internationales, gouvernementales et non gouvernementales, musulmanes et non musulmanes, orientales ou occidentales, à la restauration de la mosquée « Aya Sofia » par la reconversion du musée « Sainte Sophie » sont aussi dégoûtantes que les propos de maquerelles jalouses et frustrées ou d’insensés frauduleux.

J’ai de l’admiration pour la Turquie, de la considération pour l’Empire Ottoman et du respect envers les Turcs même si je n’ai ni sympathie pour Erdogan ni penchant pour les Frères Musulmans. Mais au nom de la vérité, nous devons admettre qu’il n’y a eu ni viol historique ni profanation religieuse envers les Chrétiens d’Orient et d’Occident : Erdogan n’a pas volé un lieu de culte chrétien en le convertissant en mosquée.

Sainte Sophie ancienne basilique byzantine était devenue une mosquée au moyen-âge, exactement en 1453. L’esprit commun croit qu’elle était devenue mosquée du fait de la victoire des Ottomans musulmans sur les croisés. Ceci est faux, il n’est ni de prescription coranique, ni de tradition religieuse ni de tradition historique (les Mongols, les Ottomans, les Omeyades, les Abbassides, les Andalous…) de s’approprier les biens d’autrui. Les pratiques de Daesh et consorts sont des pratiques de brigands et de terroristes organisés, et fédérés et armés par l’Empire colonial et ses vassaux musulmans dans le cadre de l’Islamophobie pour empêcher le réveil du monde musulman et le maintenir sous le choc de la guerre psychologique, de la rapine et de l’obscurantisme religieux.

A titre d’exemple historique et religieux, le discours de Omar Ibn Al Khattab devant la population d’Aelia Capitolina est plus qu’éloquent.

C’est une référence en matière de liberté de conscience, de droits fondamentaux et de justice équitable :

« Au nom d’Allah Ar Rahmane Ar Rahim. Voici les droits de la population d’Ilia sur Omar Abd-Allah, Gouvernant des croyants. Il leur garanti la protection de leurs personnes et de leurs biens, de leurs Églises et de leurs croix. Il promet la sécurité à leurs malades et à leurs bien-portants, ainsi qu’à l’ensemble de leur communauté. Il assure également que leurs bâtiments religieux ne seront point occupés, ni détruits, que ni leurs annexes, ni leurs croix et ni leurs biens ne seront confisqués et qu’ils ne seront jamais contraints d’abandonner leur religion ou de subir de vexations. De plus, ils ne seront pas forcés à cohabiter avec les Juifs. »

C’est une référence en matière de citoyenneté qui se construit par la mutualisation des droits et des devoirs entre communautés vivant dans la même cité :

« La communauté d’Ilia, quant à elle, devra s’acquitter du montant de l’impôt, à l’instar des autres villes [de Palestine]. Ils s’engageront à repousser les Byzantins et les brigands. Ceux d’entre eux [Byzantins ou brigands] qui désireront partir [rejoindre l’empire byzantin], la sûreté de leurs personnes et de leurs biens sera assurée jusqu’à ce qu’ils rejoignent leur pays d’accueil. Quant à ceux qui voudront résider [en Palestine], ils jouiront eux aussi de la sûreté de leurs personnes et de leurs biens à condition qu’ils s’acquittent de l’impôt comme le font les habitants d’Ilia … »

L’Empire Ottoman a existé, duré et disparu à l’instar des Empires dans le cadre des mêmes dialectiques politiques, économiques et sociales impériales dans le monde avec les limites imposées par la foi, la culture, la géographie et le droit. Les limites, le sacré et les constances sont fixés par le Coran tant pour les empires musulmans que pour les Hommes. Tout dépassement ne peut être imputé à l’Islam, mais aux Musulmans devenus hérétiques, renégats, faux et hypocrites, décadents…

En matière de droit, les musulmans n’avaient aucun droit sur l’Église, la synagogue ou le temple bouddhiste.

La Basilique de Byzance n’est ni une prise de guerre ni une spoliation, mais une cession légale dans le cadre d’une passation juridique formelle, librement consentie et ce sur proposition du patriarche de Constantinople (Istanbul). L’Empire byzantin avait achevé son cycle historique, il était en décomposition morale, militaire, religieuse et économique, en plus de la rivalité caino-abélique entre l’Église d’Orient et l’Église d’Occident. Les Chrétiens ne pouvaient plus supporter les lourdes charges du bâtiment religieux qui se fissurait et s’enfonçait dans le sol. Se débarrasser de la basilique était le meilleur choix comme cela se fait lorsqu’on se débarrasse d’un héritage qui devient ruineux et difficile à gérer.

Le sultan ottoman l’a rachetée puis confiée à Sinan l’architecte qui l’a restaurée et réhabilitée pour être enfin transférée par legs aux Waqf et Habous (fondations pieuses et religieuses musulmanes) comme il est de tradition musulmane. Le monde musulman dans sa prospérité avait développé un réseau dense et diversifié de solidarité religieuse et sociale envers les femmes isolées, les faibles, les captifs, les déshérités, les handicapés, les animaux… Il faut vivre quelques temps à Istanbul pour voir ce réseau de solidarité, de charité et de bienfaisance dans les quartiers traditionnels.

Aujourd’hui il ne s’agit pas seulement de la décision politique d’un Etat souverain, mais d’une décision judiciaire qui a annulé une ancienne décision idéologique arbitraire et anti islamique prise par Mustapha Kemal Attaturc en 1934 dans sa politique laïciste d’éradication de l’Islam, de ses symboles et de la langue arabe. Ceux qui ont eu le privilège de visiter la Turquie des années 60 et 70 se rappellent l’image des turcs obligés de raser les murs et de cacher la chechia lorsqu’ils allaient prier à la Mosquée, ils se rappellent comment ils ont été contraints de porter chapeau et cravate et de s’occidentaliser.

Les Algériens doivent se rappeler les massacres de Rovigo qui a transformé Ketchawa en Église et d’autres lieux de cultes en pissotières, en écurie et en entrepôts marchands … Que celui qui n’a pas péché jette la première pierre disait Jésus fils de Marie aux intégristes venus lapider la femme accusée d’adultère. Le Pape et ses ouailles savent mieux que nous qu’il ne faut pas chercher à voir la paille dans l’œil de son voisin et ne pas voir la poutre qui est dans leur œil.

Erdogan en dépit de ses détracteurs n’a pas pris une décision politique anti chrétienne ou anti occidentale puisqu’il demeure ami d’Israël et membre décisif de l’OTAN. Il a respecté la haute cour de justice qui a restauré les droits des fondations pieuses spoliées par une décision politique illégale et illégitime. Malgré son appartenance à la confrérie des Frères Musulmans, ce qui n’est ni un crime ni une hérésie, Erdogan a respecté le principes républicains et laïcs de la séparation des pouvoirs et de la suprématie du droit du moins dans leur formalisme.

Il est regrettable que les confréries musulmanes et Erdogan oublient la sacralité du sang des musulmans en Syrie et en Libye. Il est regrettable que le narcissisme et le sectarisme partisan occultent les véritables défis civilisationnels et géopolitiques.

Malek Benabi disait à juste titre que le problème majeur de notre siècle n’est pas dans le conflit entre l’Orient et l’Occident, mais entre le Nord et le Sud. Les conflits ne sont pas religieux, mais politiques, économiques et idéologiques.

Nos frères chrétiens semblent oublier que Jésus fils de Marie et Esprit de Dieu n’est ni un Parisien de Saint Germain des Près, ni un Américain d’Hollywood, mais un palestinien. Ce palestinien est privé de ses droits, spolié de ses biens par ceux-là même qui attisent les haines raciales et les discriminations religieuses. Ils ont poussé les musulmans à s’entredéchirer et à se présenter en posture hideuse qui ne mérite ni pitié ni respect, ils sont en train de pousser les noirs à cultiver un racisme anti blanc qui va mettre le feu à une planète prête à s’incendier pour des broutilles.

Enfin pour revenir à Haya Sophia nous devons nous rendre à l’évidence historique : l’édifice était une mosquée pendant 481 ans après la disparition de l’Empire byzantin, puis a été transformé en musée en 1934 et maintenant il revient à sa vocation originelle : un lieu de prière où le profane et le touriste peuvent y trouver un confort esthétique, un havre de paix physique, un moment de contemplation spirituelle.

Par décision politique en 1934, Aya Sophia était devenue musée lieu d’adoration des touristes, par décision juridique en 2020 elle est redevenue Mosquée lieu d’adoration de Dieu. Notre ami le Pape semble entretenir la confusion dans le monde musulman faute de restaurer la vertu de l’Église, la Charité de Jésus et la vocation chrétienne de l’Europe abandonnée par les Européens acquis aux nouvelles religions du Veau d’or et de la socialité outrancière et outrageuse.

Tout est idéologie et manipulation subversive. C’est l’idéologie éradicatrice, qui après la mort d’Atatürk, a conduit l’armée à pendre, le 17 septembre 1961, le premier ministre Adnan Menderes ainsi que deux de ses ministres, Fatin Rüştü Zorlu, ministre des Affaires étrangères, et Hasan Polatkan, ministre des Finances. On leur reprochait l’atteinte aux idéaux d’Atatürk en l’occurrence l’autoritarisme étatique, l’éradication de l’Islam et la consécration d’une bureaucratie mercantile. Les intellectuels de gauche, les bourgeois et les hauts fonctionnaires de l’armée et de la bureaucratie n’admettaient pas qu’un homme du système fasse l’appel à la prière, qu’il modernise le pays et qu’il se fasse aimer par la paysannerie représentant 80% de la population turque. Mais les idéologies sans foi ni loi ne parviennent toujours pas à comprendre que l’histoire finit par mettre en échec les idéologies et que l’âme d’un peuple est indestructible.

Aya Sophia au sixième siècle était édifié en temple chrétien opposé à Rome : conflit entre deux idéologies, deux monolâtries qui se réclamaient faussement du monothéisme. Au 15ème siècle, elle est devenue Mosquée par désistement du clergé. En 1934 elle est devenue musée par laïcisme. En 2020 elle est redevenue mosquée. Le musulman n’a pas changé dans sa foi, l’humain n’a pas changé sa nature, la poule continue de pondre des œufs et le coq à avoir mal au cul, la Palestine est toujours occupée, l’Occident est toujours accusateur arrogant, le monde musulman est toujours victimaire et pitoyable.

Pour moi, le matraquage idéologique et le lynchage médiatique d’Erdogan font partie d’une stratégie que j’ai décrite dans « Islamophobie : Deus machina ». Pour ceux que cela intéresse je ne leur recommande pas de lire mes livres, mais de lire la synthèse dans l’analyse suivante à propos des visées islamophobes et anti turques :

Islamophobia et Turquie : Deus machina bis

Pour ceux qui veulent faire le lien entre les croisades et Vatican 2 avec Aya Sofia, la Turquie contemporaine et la libération de la Palestine je leur recommande la lecture de la synthèse et de la traduction que j’ai fait sur un des meilleurs livres arabes sur Salah Eddine al Ayyoubi et Jérusalem par Qassem Abdou Qassem. Vous y lirez le rituel de purification de la Mosquée Al Aqsa après 30 ans de mobilisation et de guerre contre l’occupant profanateur :

https://liberation-opprimes.net/la-voie-de-liberation-de-jerusalem-12/

https://liberation-opprimes.net/la-voie-de-liberation-de-jerusalem-suite-22/

Vous allez voir que ce n’est pas une guerre de religion, mais une exportation des crises économiques, religieuses et politiques en Europe et une lutte de renaissance de la communauté arabe et musulmane en Orient. Vous allez voir que Salah Eddine a cherché à fédérer les Musulmans sur un objectif commun libérateur et fédérateur alors qu’Erdogan joue sur son profil narcissique, le nationalisme turc exacerbé et le sectarisme partisan et confrérique qui a accentué les divergences idéologiques et les luttes intestines de pouvoir et de manipulation de la religion à des fins politiques.

Ce qui est en train de se jouer est déjà programmé, nous entrons dans une phase nouvelle du désordre mondial avec la montée en puissance des infantilismes et des cupidités.

Omar Mazri vendredi 24/07/2020

Rédaction

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